Et si le vrai luxe, c’était de savoir dire non ? L’art de poser ses limites
Dire non n’est pas un refus : c’est un positionnement. Dans cette tribune, Laurence Shukor, coach en transitions, analyse pourquoi apprendre à fixer ses limites est devenu un enjeu central de notre équilibre intérieur.
Le paradoxe du « oui » permanent
Dans nos vies modernes où tout va vite, où « être disponible » est souvent considéré comme une qualité professionnelle, dire non semble presque inapproprié. Comme l’écrit Greg McKeown, auteur d’Essentialism : « Si vous ne donnez pas la priorité à votre vie, quelqu’un d’autre le fera à votre place. »
Pourtant, nous passons nos journées à dire oui : oui par habitude, oui pour éviter de décevoir, oui pour rester dans le rythme, oui pour ne pas déranger.
Mais à force de dire oui à tout, on finit par s’oublier soi-même.
Dire non, c’est un acte de lucidité. C’est reconnaître que notre temps, notre attention et notre énergie ne sont pas illimités, et qu’ils méritent d’être protégés.

Dire non, ce n’est pas refuser : c’est choisir
Un non-dit avec justesse n’est jamais un rejet. Il est un choix, une orientation, un geste clair vers ce qui compte vraiment.
Le psychiatre Christophe André rappelle que « la douceur envers soi-même est un acte de résistance ». Dire non en fait partie, c’est refuser la dispersion, l’épuisement, l’effacement.
Je travaille moi-même encore sur cet apprentissage. Mes drivers, « sois parfait », «fais plaisir », sont coriaces. Ils ont guidé ma vie, parfois avec efficacité, parfois au détriment de mes propres besoins. Apprendre à dire non, pour moi aussi, a été un acte de réconciliation avec ma priorité intérieure.
Dire non, ce n’est pas fermer une porte, c’est en ouvrir une autre, pour soi.
Les cinq drivers : des injonctions invisibles qui nous empêchent de dire non
L’Analyse Transactionnelle décrit cinq drivers, ces messages intériorisés dans l’enfance qui orientent inconsciemment nos comportements :
- Sois parfait
- Fais plaisir
- Fais des efforts
- Sois fort
- Dépêche-toi
Ils semblent anodins, parfois même utiles. Mais ils conduisent souvent à dire oui trop vite, trop souvent, trop longtemps.
Celui qui veut être parfait dira oui pour prouver sa valeur.
Celui qui veut faire plaisir dira oui pour ne pas décevoir.
Celui qui doit se dépêcher dira oui sans réfléchir.
Celui qui se croit obligé de faire des efforts dira oui « pour mériter ».
Celui qui veut être fort dira oui pour ne pas paraître vulnérable.
Comprendre ces drivers, c’est commencer à s’en libérer. Et parfois, dire non est la première fissure dans leur emprise.
Le non, une écologie intérieure
Nos ressources internes ne se renouvellent pas instantanément. Dire non, c’est les préserver. C’est pratiquer une forme d’écologie intérieure, une hygiène de vie émotionnelle.
Dire non, c’est dire oui à sa clarté. C’est choisir ses priorités au lieu de subir celles des autres. C’est refuser la surcharge mentale et l’urgence constante.
Le non n’est pas un mur : c’est une frontière saine.
Le luxe de la clarté
Dans un monde saturé de sollicitations, de notifications et d’attentes implicites, la clarté est devenue un luxe rare.
Savoir dire non, c’est réaffirmer son rythme, ses besoins, sa présence.
C’est un acte de courage.
Le vrai luxe aujourd’hui ? Pas d’avoir davantage… Mais d’être aligné avec soi-même.
Dire non, ce n’est pas s’éloigner des autres, c’est se rapprocher de ce qui nous fait du bien.
Laurence Shukor, est une coach certifiée, spécialisée sur les problématiques de transitions personnelles et professionnelles.







