Le Conseil National de Monaco brandit la menace d’un vote défavorable sur le budget rectificatif

Face à l’ajout de 20 millions d’euros sur la ligne budgétaire du projet de traitement des déchets abandonné, Thomas Brezzo et les élus dénoncent un « manque total de respect » et exigent une réallocation des fonds.
Une économie florissante mais des inquiétudes sur la gestion
Lors de la conférence de presse de rentrée politique ce vendredi 19 septembre, le président du Conseil National Thomas Brezzo a d’abord souligné la bonne santé économique de la Principauté. « Le budget approche aujourd’hui les 2,5 milliards d’euros. Il y a une dizaine d’années, on était à près de 1 milliard d’euros. Donc il a plus que doublé », a-t-il rappelé, avec des recettes supplémentaires de près de 400 millions d’euros par rapport aux prévisions initiales.
Cependant, cette prospérité ne doit pas conduire à « jeter l’argent par les fenêtres », a prévenu le président, citant plusieurs dossiers problématiques : « 100 millions d’euros sur le CTVD, 170 millions d’euros sur l’Esplanade des Pêcheurs, 36 millions d’euros pour le centre commercial de Fontvieille ».
Le CTVD au cœur des tensions
Le point de crispation majeur concerne le Centre de Traitement et Valorisation des Déchets. Le Gouvernement a déposé un deuxième budget rectificatif incluant 20 millions d’euros supplémentaires sur cette ligne budgétaire, alors que le projet Symbiose a été abandonné après avoir déjà coûté environ 100 millions d’euros.
« On nous a menti pendant cinq ans sur le projet Symbiose. On nous a toujours dit qu’il était impossible de reconstruire l’usine de traitement des déchets sur le site de l’usine actuelle. Puis soudainement on nous dit c’est possible », s’est insurgé Thomas Brezzo, qui dénonce un manque de transparence : « On nous ment sur les raisons de la réalisation de ce projet in situ ».
Le président a particulièrement critiqué l’absence de communication sur les alternatives, notamment l’externalisation du traitement en France. Il affirme avoir lu l’arrêté préfectoral de Nice qui stipulerait que « le site de l’Ariane n’accepte pas de prendre les déchets de l’étranger, sauf les déchets de la principauté de Monaco ».
Un ultimatum clair
Face à cette situation, la position du Conseil National est ferme. « En l’état de ces discussions, nous avons 23 élus qui sont prêts à voter un budget dans ces conditions là. Le budget rectificatif ne sera pas voté, ou sera voté défavorablement », a averti Thomas Brezzo, tout en proposant une solution : réaffecter ces 20 millions d’euros à d’autres projets comme le Centre commercial de Fontvieille ou le CHPG.
Le vice-président Jean-Louis Grinda a appuyé cette position : « Nous ne voterons pas. Nous ne céderons pas parce que nous sommes dans notre droit. C’est quand même un manque total de respect de l’institution ».

Des avancées sur d’autres dossiers
Malgré ces tensions, les élus ont souligné plusieurs points de satisfaction. Sur le logement, « la pénurie de logements a une tendance à se résorber ces dernières années », avec plusieurs opérations en cours comme Les Lucioles et l’agence domaniale prévue pour septembre 2026.
La perspective de création de l’agence domaniale « à l’horizon de septembre 2026 » constitue également une avancée majeure qui « changera complètement le processus d’attribution des logements domaniaux », selon Maryse Battaglia, présidente de la commission logement.
Concernant le Centre commercial de Fontvieille, après des années de retard, « le Gouvernement a repris les choses en main » avec un « projet ambitieux » dont les travaux devraient commencer d’ici deux ans.
Corinne Bertani, présidente de la commission commerce, a tenu à rassurer : « Nous sommes proches des commerçants. Il y a encore des zones un peu difficiles avant le début des travaux, mais le Conseil National comprend et se rapproche de nos commerçants dans cette période délicate. »
La mobilité reste problématique
Face aux défis quotidiens de circulation, avec entre 92.000 et 113.000 véhicules qui entrent et sortent quotidiennement de Monaco, le président du Conseil National plaide pour des solutions structurantes. « Il faut faire preuve d’innovation », a souligné Thomas Brezzo, évoquant la nécessité d’étudier sérieusement un projet de transport de masse type métro entre Nice, Monaco et la frontière italienne.
Le président reconnaît la complexité du dossier tout en appelant à une meilleure coordination : « Si on attend que toutes les autorités françaises, monégasques et italiennes se mettent autour d’une table, on n’y arrivera jamais. C’est à la Principauté de Monaco de faire projeter cette étude de faisabilité. »
Une volonté de dialogue constructif
Au-delà des points de friction, Thomas Brezzo a réaffirmé la volonté du Conseil National de travailler en bonne intelligence avec le gouvernement. « On n’est pas là pour créer des affrontements mais pour travailler dans l’intérêt général », a-t-il souligné, appelant à « une meilleure concertation » sur tous les grands dossiers.
Le président a salué l’approche de feu Didier Guillaume qui privilégiait la concertation : « On évitait d’échanger des courriers toute la journée, mais on se voyait dans un bureau, on prenait des décisions et ça avançait ».
Le vice-président Jean-Louis Grinda a rappelé l’importance du respect institutionnel : « Cette constitution qui est subtile mérite qu’elle soit respectée intégralement. Le pouvoir n’est pas à sens unique et nous sommes un contre-pouvoir. »
Cette rentrée politique s’annonce donc dense avec l’examen du budget rectificatif 2024 puis du budget primitif 2025, dans un contexte où le Conseil National entend pleinement jouer son rôle de contrôle tout en restant force de proposition pour l’avenir de la Principauté.