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Récit

Harcelé et menacé, le directeur de la Fondation Hector Otto porte plainte

Tribunal-Monaco
L'affaire a été jugée mardi 2 juin dernier et le délibéré rendu vendredi 14 juillet 2023 - © Monaco Tribune

L’auteur des faits a été condamné par le tribunal correctionnel de Monaco.

En novembre 2020, le directeur de la fondation qui œuvre pour les personnes âgées et les enfants de la Principauté, reçoit un courrier anonyme dénonçant son management et les soi-disant pots-de-vin qu’il reçoit dans le cadre de ses fonctions. L’intéressé n’est pas le seul à prendre connaissance du contenu de cette lettre, puisque l’expéditeur a pris le soin de la diffuser massivement à Monaco, en passant par les instances les plus importantes de la Principauté, à savoir le Palais Princier, la Mairie, le Ministère d’État et même la Sûreté Publique.

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Plus de deux ans d’enquête

Au commencement de l’enquête, la police a l’idée de réunir les enveloppes contenant les lettres, car une inscription manuscrite y figure. Une indication précieuse qui, grâce à l’expertise d’un graphologue, permettra de remonter jusqu’au responsable. Si les premiers soupçons étaient portés sur un salarié de la fondation, la recherche s’est étendue à leurs conjoints. Et c’est en effet sur le partenaire de vie de la directrice adjointe que les enquêteurs vont se concentrer, car son écriture correspond en tous points à celle retrouvée sur les enveloppes.

Entre-temps, « un deuxième courrier accusateur est envoyé à la presse », indique le président du tribunal le jour de l’audience, en précisant que ce dernier a fait l’objet d’un article dans Le Parisien. Dans un premier temps, le suspect numéro un va nier sa culpabilité. « Ce n’est pas moi, avait-il déclaré aux policiers, j’ai vécu dans un logement de fonction à la fondation avec mon épouse, tout le monde me connait et aurait pu imiter mon écriture. »

« Votre seul but était de nuire »

L’enquête se poursuit en parallèle pour démêler le vrai du faux dans ces accusations et tout ce qu’elle va démontrer, est que le directeur a apporté quelques chemises à repasser au service lingerie, et a utilisé un studio de la fondation pendant un an, le temps de travaux à son domicile, et cela, avec l’accord de la fondation.

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« Les pots-de-vin et l’argent remis pendant les repas, tout cela n’existant pas, rien de ce que vous avez dénoncé n’est constitué, votre seul but était de nuire », affirme le juge qui poursuit en s’adressant au prévenu, un quadragénaire de nationalité française : « il s’agit de dénonciations calomnieuses, de diffamation et de menaces de mort, savez-vous que des peines de prison sont prévus pour cela ? C’est gros ce que vous dénoncez. »

« Pourquoi avez-vous fait tout cela ? » demande l’un des deux assesseurs. « Car beaucoup de personnes se plaignaient de lui, et puis, au moment des faits, j’étais en pleine déprime, j’ai fait une grosse erreur », concède le prévenu, d’une petite voix. Une réponse qui peine à convaincre les magistrats, et l’avocat de la partie civile insiste : « d’où vient cette haine ? Est-ce que monsieur s’est déjà mal comporté avec vous ? »

Le prévenu répond par la négative, tout comme lorsque le juge lui demande si cette histoire n’est pas basée sur de la jalousie. Aujourd’hui licenciée, son épouse est elle aussi poursuivie par la justice pour « atteinte à la vie privée et familiale », car elle a enregistré, à son insu, son supérieur.

90 jours d’enfer

Au tour de la victime de prendre la parole : « j’ai été abasourdi. Je travaillais avec madame quotidiennement et j’avais confiance en elle. De plus, elle ne m’a jamais fait part d’une quelconque surcharge de travail, comme l’insinue son conjoint. Pendant l’instruction, la collaboration est devenue difficile, les résidents parlaient. Cela a été compliqué à la fois sur le plan professionnel et personnel. »

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En effet, le directeur a reçu cette menace de mort sous la forme d’une inscription en russe en fin de lettre : « je vous conseille d’avouer à la police, sinon, votre famille va mourir », ce qui l’a poussé a demander une surveillance policière particulière pour ses enfants. Il a également reçu des faux appels et des centaines de mails par jour. « C’est une personne pétrie d’ambition et je pense qu’elle se serait bien vue me remplacer », glisse-t-il à barre en référence à son ancien bras droit.

« L’honneur de mon client a été entaché, intervient l’avocat du directeur. Il y a eu un déferlement de vomi lâché sur sa tête, et accessoirement sur la fondation. Mon client aurait de loin préféré prendre des coups plutôt que de subir cela. Cette femme voulait son renvoi pour prendre sa place, c’est évident. Et elle ne se présente pas au tribunal aujourd’hui pour s’expliquer, de qui se moque-t-on ? C’est elle qui lui a monté la tête. »

De la prison avec sursis pour le couple

Le procureur se lève et requiert deux mois de prison avec sursis pour madame et six mois avec sursis pour monsieur. « Se prenait-il pour un chevalier blanc ? Un lanceur d’alerte ? Sa haine a pris des proportions délirantes à tel point que l’on pourrait se demander si un suivi médical ne serait pas utile », a commenté le ministère public.

Afin de contextualiser, l’avocate du prévenu spécifie : « mon client voyait sa femme épuisée rentrer du travail, et en parallèle, il recevait les ragots des autres car il était dans le logement de fonction à cette période qui, en plus était celle du Covid-19, donc il ne travaillait pas. Oui, il a manqué d’intelligence. Il a perdu son emploi après cette convocation, et madame également, alors que cela faisait sept ans qu’elle travaillait pour la fondation, et avait décroché le poste de directrice adjointe. Son enregistrement audio d’une heure, elle ne l’a pas utilisé. Je demande la relaxe pour elle et la clémence pour monsieur ».

Après en avoir délibéré, le tribunal condamne le prévenu à cinq mois de prison avec sursis et son épouse à un mois avec sursis. Ils devront en outre, verser à la victime les sommes de 8 000 euros pour le préjudice moral et de 3 000 euros pour les frais de justice.

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