Une femme atteinte de polyarthrite jugée pour consommation de cannabis et cocaïne

Une femme née en 1972 à l’Île Maurice, mariée à un Monégasque et résidant à Monaco, a comparu le 8 juillet 2025 devant le tribunal correctionnel pour usage et détention de stupéfiants.
Les faits débutent lorsque les forces de l’ordre examinent le téléphone d’un homme soupçonné de trafic de stupéfiants. Ils y découvrent une livraison de 400 euros de cannabis à Monaco. En poursuivant l’enquête, ils identifient le client et se rendent à son domicile : il s’agit de la prévenue. Lors d’une perquisition effectuée le 14 août 2024, les policiers saisissent plusieurs boîtes contenant au total plus de 30 grammes de cannabis.
À la barre, la prévenue reconnaît être consommatrice de cannabis, mais minimise la période et les quantités. Concernant la cocaïne, elle dit avoir arrêté. Elle admet avoir un dealer basé à Nice, et que plusieurs transactions ont eu lieu, soit à Nice Riquier, soit à Monaco. Cinq achats sont répertoriés dans le dossier. Son mari est au courant de sa consommation. Interrogée sur ses moyens de déplacement pour se fournir, elle affirme ne pas avoir les moyens et se rend à Nice en train. Le tribunal s’étonne de cette déclaration, son dossier indiquant qu’elle ne sort pratiquement jamais de chez elle. Elle précise : « Je sors très peu de chez moi, je n’ai pas dit que je ne sortais jamais. »
La prévenue souffre de polyarthrite rhumatoïde depuis une dizaine d’années. En arrêt maladie pendant au moins trois ans, elle explique avoir tenté de reprendre une activité professionnelle, mais la prise quotidienne de codéine l’en empêche. Elle utilise le cannabis comme substitut à ses nombreux médicaments : « Pour moi, un joint correspond à une ou deux prises de médicaments ». Elle affirme aussi acheter des produits à base de CBD en Italie. Le tribunal lui rappelle que ces produits sont interdits à Monaco. Elle répond qu’elle n’était pas au courant.
Elle indique être revenue à un traitement classique à base de codéine, tout en continuant à consommer une dose de cannabis le soir. Elle précise également recevoir des perfusions de kétamine sur plusieurs jours pour soulager ses douleurs : « C’est lourd et douloureux comme traitement. Il n’y a pas un jour où je ne me suis pas réveillée sans douleur », explique t-elle. Le tribunal souligne néanmoins que la cocaïne n’est pas reconnue pour ses effets antalgiques.
Le tribunal s’interroge également sur l’impact de cette consommation sur ses enfants, âgés de 24 et 21 ans. Elle répond leur avoir expliqué sa démarche : « Ce qu’ils voient eux, c’est que ça me soulage. » Le tribunal lui rappelle que ce n’est pas un bon exemple.
La prévenue n’a jamais été condamnée, ni à Monaco, ni en France, et n’est pas connue défavorablement des services de police.
Le procureur, lors de ses réquisitions, souligne la banalisation de l’usage de stupéfiants dans ce dossier. Elle insiste sur l’automédication de la prévenue, rappelant que le cannabis reste interdit en Europe, en France et à Monaco, et que la prévenue choisit malgré tout d’en consommer alors qu’elle reçoit des traitements à base de morphine et de kétamine, qui sont légaux. Elle s’étonne de l’absence de certificat médical justifiant que cette consommation serait la seule solution, et insiste sur les effets nocifs du cannabis : « Le cannabis grille les neurones, le cerveau se liquéfie. » Elle ajoute que le mélange des substances est dangereux, et que l’activité de la prévenue alimente un trafic : « Elle sort quand même de chez elle pour s’approvisionner. Je ne pense pas que le médecin valide la prise de cocaïne. Tous les patients qui souffrent ne prennent pas forcément des drogues dures. Son activité participe au trafic, au blanchiment et à l’économie souterraine ». Elle conclut : « Avant de prendre des substances illicites, elle n’a pas cherché d’autres solutions. Il va falloir changer de comportement, car plusieurs joints par jour, ce n’est pas possible ». Elle requiert une peine de trois mois de prison avec sursis, qualifiée d’avertissement.
L’avocat de la prévenue prend ensuite la parole. Il indique connaître la famille depuis près de trente ans, évoque la maladie de sa cliente survenue en 2015, et parle d’un quotidien rythmé par les douleurs. Il insiste sur la générosité de la prévenue, qui s’est occupée de sa famille avant de sombrer dans une forme de désocialisation. Il mentionne que certains États dans le monde autorisent l’usage thérapeutique du cannabis dans le cas de maladies auto-immunes : « Le cannabis lui permet d’atténuer ses douleurs et de limiter la prise de ses nombreux médicaments ». Il demande au tribunal de faire preuve de clémence et de prononcer une simple amende : « Il faut se mettre réellement à sa place pour comprendre le désespoir et cette vie de douleur ». La prévenue, invitée à s’exprimer une dernière fois, déclare qu’elle n’a rien à ajouter.
Après délibération, le tribunal la reconnaît coupable, mais décide de la dispenser de peine : « Le tribunal fait preuve d’empathie, mais il ne l’encourage pas à continuer sa consommation. »
Pour rappel, à Monaco, la législation est très stricte concernant les substances psychoactives. Selon la Loi n° 890 du 1er juillet 1970 relative aux stupéfiants, le cannabis, la cocaïne ainsi que les produits dérivés du cannabis, y compris le CBD, sont formellement interdits. Cette interdiction concerne tant la détention, la consommation, la culture que la vente de ces substances. La loi monégasque considère ces produits comme des stupéfiants dangereux et leur usage est passible de sanctions pénales sévères, allant d’amendes à des peines de prison. Ainsi, même le CBD, souvent perçu comme un produit légal ailleurs, reste prohibé sur le territoire monégasque.