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Interview

JO Tokyo 2020 : 5 questions à Joël Bouzou, président et fondateur de Peace and Sport

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Peace and Sport

Les Jeux Olympiques 2020 de Tokyo ont été une édition plus que spéciale. Retardés, puis au bord de l’annulation, les Jeux ont finalement été maintenus avec un nombre de spectateurs limités. Le Président-Fondateur de Peace and Sport, Joël Bouzou, dresse le bilan de ces Jeux hors-normes pour Monaco Tribune. Entretien.

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1. Les Jeux de Tokyo viennent officiellement de se terminer avec la clôture, dimanche 5 septembre, des Jeux paralympiques. De manière générale, que retenez-vous de cette édition plus que spéciale à organiser ? 

Les Jeux Olympiques ont eu lieu malgré la pandémie et tant le Comité International Olympique que le Japon ont su prendre des mesures efficaces pour contenir le risque sanitaire. « Aller de l’avant » a été le credo de ces Jeux, alors que la pandémie de Covid-19 a fait plus de 4 millions de morts et a bouleversé le quotidien de milliards d’individus. Les athlètes ont performé et ils ont porté un message d’espoir et de résilience à travers le sport.

Le fait qu’il n’y ait eu que très peu de spectateurs a permis de voir davantage de manifestations de solidarité entre athlètes. Nous avons par exemple été témoins des encouragements de Renaud Lavillenie à Armand Duplantis, en saut à la perche, malgré sa propre défaite.

2. Quelles actions avez-vous menées dans le cadre des Jeux olympiques 2020 ?

En tant qu’Olympien, Président-Fondateur de Peace and Sport et Président de la World Olympians Association, j’ai souhaité que les athlètes s’impliquent dans des actions de solidarité lors des Jeux et j’ai créé une version digitale de la « OLY House », un espace virtuel qui permet aux Olympiens de se connecter avec leur communauté. A cette occasion, 5 olympiens ont été nommés « Olympiens à vie » et nous avons regroupé des milliers de signatures des membres dans un mur virtuel de « OLY House ». La « OLY House » était une solution pour être ensemble malgré l’impossibilité de se rassembler physiquement.

Par ailleurs, je souhaite saluer les Champions de Paix, des athlètes de haut niveau engagés socialement aux côtés de Peace and Sport, qui ont réaffirmé les valeurs de solidarité, d’inclusion et d’égalité à travers le sport lors des Jeux. A travers son rôle de porte drapeau et sa participation aux épreuves de gymnastique, le Champion de la Paix Samir Aït Said a été un symbole de persévérance et de discipline pour les athlètes ainsi qu’une source d’inspiration pour les jeunes. Le Champion de la Paix Mutaz Essa Barshim, en partageant l’or du saut en hauteur plutôt que de le mettre en jeu dans un barrage avec Gianmarco Tamberi, a transmis un message fort d’amitié, une valeur centrale de l’olympisme.

D’autres athlètes, comme la costaricienne Luciana Alvarado ont également utilisé les Jeux comme une plateforme pour revendiquer l’égalité des droits

3. Cette édition a vu un record de participation des femmes à la compétition (49%), que signifie ce chiffre pour vous et comment l’améliorer ?

Les femmes n’avaient pas leur place dans le modèle antique des Jeux que Pierre de Coubertin s’est efforcé de recréer et elles prennent part aux Jeux pour la première fois en 1900. L’augmentation de la participation des femmes témoigne d’un changement de statut au niveau international et de la montée en puissance du principe d’équité. Néanmoins, nous devons rester mobilisés pour conserver ces acquis et davantage de mesures en faveur de l’équité des genres doivent être mises en place dans certaines zones du monde.

Les Jeux de Tokyo, en atteignant la parité, ont offert une plateforme unique pour que les femmes puissent faire valoir leurs droits. A travers sa participation au sein de l’équipe olympique des réfugiés, la cycliste afghane Masomah Ali Zada a par exemple plaidé pour la cause des Afghanes et de toutes les femmes. En défendant sa liberté de pratiquer un sport, elle a déclaré avoir gagné le combat « contre les gens qui pensent que les femmes n’ont pas le droit de faire du vélo ». D’autres athlètes, comme la costaricienne Luciana Alvarado ont également utilisé les Jeux comme une plateforme pour revendiquer l’égalité des droits. 

4. Pensez-vous que les Jeux olympiques devraient fusionner avec les Jeux Paralympiques pour concourir sous une unique bannière ?

La fusion des délégations françaises olympique et paralympique, qui se sont unies sous une même bannière, a permis d’envoyer un message fort lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Tokyo. Elle a également souligné l’importance de renforcer la médiatisation des Jeux Paralympiques et de changer le regard sur la performance des athlètes paralympiques, qui recherchent la même excellence que les athlètes olympiques.

Néanmoins, une fusion des deux évènements n’est pas envisageable pour le moment puisque les Jeux Olympiques et les Jeux Paralympiques sont organisés par des entités différentes, par le Comité International Olympique et par le Comité International Paralympique.

Par ailleurs, l’organisation simultanée des deux évènements présenterait d’importants défis d’ordre logistique puisqu’elle impliquerait de doubler la capacité du Village olympique. De plus, le maintien de deux semaines d’écart entre les Jeux Olympiques et Paralympiques s’avère essentiel puisque cela permet l’aménagement de certaines installations pour les athlètes à besoins particuliers.

Plusieurs athlètes se sont mobilisés pour dénoncer le racisme, l’injustice raciale et toutes les formes de discrimination

5. Genou à terre, poing en l’air, médaille d’or partagée… Que vous inspirent toutes ces démonstrations pour le futur ?

L’évolution de la Charte olympique marque une étape importante puisqu’elle permet d’amplifier la portée de la parole des athlètes ; ces derniers deviennent des « role-models » qui contribuent à la construction d’un futur plus juste. Au-delà de la performance durant les évènements sportifs, les athlètes peuvent transmettre de puissants messages de solidarité, d’unité et dialogue, défendre des idéaux sociaux et nourrir la réflexion sur des enjeux globaux.

A l’instar de l’équipe féminine de football de Grande-Bretagne, de la lanceuse de marteau américaine Gwen Berry ou encore de la capitaine de l’équipe de hockey allemande Nike Lorenz, plusieurs athlètes se sont effectivement mobilisés pour dénoncer le racisme, l’injustice raciale et toutes les formes de discrimination.

Par ailleurs, le combat entre la judokate saoudienne Tahani Al-Qahtani et l’israélienne Raz Hershko, alors même que les relations officielles entre les deux pays sont limitées et qu’ils ont peu d’historique commun de compétition sportive, a illustré la capacité du sport à créer des liens d’amitié entre les peuples et à dépasser les préjugés. Je tiens ici à saluer l’influence positive de la Fédération Internationale de Judo et de son Président. Les actes positifs des athlètes lors des manifestations sportives démontrent que le sport est un maillage neutre d’équité. Ces actes contribuent à la diversité apaisée, au vivre ensemble et à la construction de sociétés plus justes et inclusives. Néanmoins, aucun athlète, même au titre de ses convictions, n’a le droit de dérober aux deux autres athlètes sur le même podium le souvenir éternel de cette cérémonie solennelle. Ces mobilisations doivent donc impérativement avoir lieu en dehors du podium, conformément à la Charte olympique.

Peace and Sport est une organisation internationale neutre basée à Monaco, utilisant le sport et ses valeurs fédératrices comme instrument de paix à travers le monde.