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Interview

Sports Doctors Network : Entretien exclusif avec le médecin de l’AS Monaco et celui du Real Madrid

Dans cette interview, les deux médecins nous évoquent leur quotidien, les enjeux auxquels ils sont confrontés et leur passion pour cet univers © SDN / AS Monaco

À l’occasion de la venue du Sport Doctors Network à Monaco, nous avons rencontré le Dr Alexandre Creuzé, médecin de l’AS Monaco mais également co-fondateur du réseau et organisateur de l’événement, ainsi que le Dr Niko Mihić, conseiller médical principal du Real Madrid et président-directeur du SDN.

Dans un monde où la limite entre la victoire et la défaite se mesure parfois en millisecondes, la santé des athlètes est devenue un enjeu stratégique majeur. C’est dans cette optique qu’a été créé le Sports Doctors Network (Réseau des Médecins du Sport), une initiative révolutionnaire qui redéfinit les standards de la médecine du sport à l’échelle mondiale.

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Regroupant l’élite de la médecine sportive internationale, le SDN a réussi l’exploit de fédérer les médecins des plus grands clubs européens de football comme le Real Madrid, Arsenal, l’AS Monaco, le PSG ou encore Manchester United, mais aussi des franchises américaines prestigieuses de NBA, NFL, MLB et NHL.

Une constellation d’experts dont l’objectif est aussi clair qu’ambitieux : offrir aux sportifs, quelle que soit leur discipline, un accès privilégié aux meilleurs soins médicaux de la planète.

Dr Alexandre Creuzé – AS Monaco : Mieux vaut prévenir que guérir

Depuis 2018, le Dr Alexandre Creuzé est le médecin de l’équipe première de l’AS Monaco. Ce spécialiste aguerri a auparavant consacré huit années de sa carrière à l’Académie des Girondins de Bordeaux également en tant que médecin d’équipe. Son approche se traduit par une attention particulière au suivi de la charge interne et externe des joueurs, élément déterminant dans la prévention des blessures et l’optimisation des performances.

Pourquoi avoir créé le Sports Doctors Network ?

Au départ, on était juste un groupe d’amis. On échangeait de façon un peu informelle entre nous, dans des groupes de discussion. Et puis un jour on s’est dit qu’on devrait partager tout ça, d’ouvrir au public, parce que ces conversations informelles peuvent être structurées et intéresser beaucoup de monde. Donc, on a commencé à faire des meetings dans différentes grandes villes et c’est en train de se développer de plus en plus. Le but étant d’échanger nos pratiques pour améliorer la santé et le suivi des athlètes de haut niveau.

Quels sont ces sujets un peu informels dont vous parlez ?

Ça peut être un cas médical compliqué où on ne trouve pas de solution. Il y a des cas qui sont rares. C’est toujours bien d’avoir des conseils sur la façon de travailler, l’organisation, les besoins autour du matériel. On a fait pas mal d’expertises de certains appareils, et quand on fait une expertise à plusieurs, on confronte forcément la machine à plus de cas, donc on a plus de recul et plus d’informations pour savoir si elle est utile ou pas, par exemple.

Quand est-ce que le médecin intervient dans le quotidien des joueurs ?

Nous avons différents champs d’action. Il y a la partie médecine de terrain pur où on suit les joueurs sur tous les matchs. On intervient sur le terrain si besoin, toujours avec un kiné, dans le cadre d’une urgence. C’est le même concept à l’entraînement. Il y a toujours un médecin sur le terrain au cas où il y ait une urgence médicale et/ou une urgence traumatologique. Après, bien sûr, on est avec eux durant la récupération, avant et après les matchs, ainsi que dans la performance pour les accompagner de la meilleure façon possible.

Est-ce qu’au sein d’un club comme l’AS Monaco on possède les dernières technologies médicales ?

On a beaucoup de chance parce qu’on a un président et une direction qui sont très à l’écoute de ce genre de choses et qui souhaitent qu’on aille de l’avant. C’est pour ça qu’on a un centre de performance, rien que le nom, ça signifie des choses. On nous demande d’être à la pointe du sport de haut niveau et avec ce genre d’événement, ça nous permet aussi, en tant que participant, d’être en place à ce niveau. Donc oui, clairement, à Monaco, on est dans cet état d’esprit-là.

Les blessures dans le football ont-elles évolué depuis le début de votre carrière ?

Oui il y a quelques nouvelles blessures. On s’est rendu compte que, par exemple, on commence à avoir de plus en plus de blessures d’épaule. Pourtant, le foot, ça se joue avec les jambes. Mais le fait que le jeu soit de plus en plus intense, qu’il y a de plus en plus de contacts, ça fait que le haut du corps peut aussi être touché. C’est donc une chose qu’on est désormais obligé de prendre en compte dans la prévention, ce qui n’était pas du tout le cas avant. On a dû se remettre en question et essayer d’améliorer nos techniques de screening de début de saison pour essayer de prévenir le maximum de problèmes, parce que le but, à la base, c’est d’éviter la blessure et aider le joueur à performer, plus que de le soigner.

Dr Niko Mihić – Real Madrid : La passion pour l’adrénaline

Dr Niko Mihic est actuellement le conseiller médical principal du Real Madrid, après avoir dirigé les services médicaux du club de 2017 à 2023. Son expertise dépasse largement le cadre du football, comme en témoigne la diversité de ses fonctions. En parallèle de ses responsabilités auprès du géant madrilène, il assume le rôle de directeur du programme de santé exécutive pour l’hôpital de Madrid.

Sa carrière internationale s’illustre également par ses fonctions de médecin pour la Royal Air Force britannique et la section américaine de l’OTAN, ainsi que de Conseiller Médical pour les compagnies aériennes Air France et KLM. Son parcours d’exception inclut une expérience en tant que conseiller médical pour l’Agence Spatiale Européenne.

Vous êtes un expert du management d’équipes médicales, qu’est-ce qui est le plus important selon vous dans ce rôle ?

Le plus important ce sont les gens avec qui on travaille, beaucoup plus que toutes les machines. Les machines sont remplaçables, les personnes non. Il faut vraiment avoir une bonne équipe, je pense que c’est l’aspect principal, c’est le meilleur soin que l’on puisse offrir à nos joueurs. « Players first », c’est notre devise. On voit beaucoup de joueurs qui jouent au-delà de leur « date d’expiration ». Luka Modrić joue encore à presque 40 ans, pareil pour Lebron James ou encore Novak Djokovic à 37 ans. C’est définitivement grâce à leur discipline, mais c’est aussi car ils s’entourent de bons médecins, ce qui prolonge leur carrière.

À quels défis pouvez-vous faire face aux côtés d’une équipe comme le Real Madrid ?

Notre grand défi aujourd’hui, c’est la charge de travail. Il y a trop de compétitions, trop de matchs, trop souvent. Ce n’est pas adéquatement gouverné par le comité organisateur. Je ne pense pas qu’ils devraient laisser les joueurs jouer deux matchs en 72 heures, parce que c’est une catastrophe assurée. Même s’ils sont des athlètes de haut niveau, ils restent des humains et non des machines. Il faut assez de repos, de sommeil, c’est le plus important. C’est mon grand combat. 

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?

L’adrénaline. À la base, dans ma formation, j’étais médecin aux urgences au Canada, à McGill. Et quand j’ai décidé de venir vivre en Europe, la seule chose qui a remplacé l’adrénaline de travailler en salle d’urgence, c’était de travailler au Real Madrid.

Selon vous, qu’est-ce qui fait un excellent médecin du sport ?

Je pense que c’est avant tout quelqu’un qui aime sa profession. Qui est dévoué à notre métier. Pour être un bon médecin, il faut être rebelle. Pourquoi ? Parce que notre profession est condamnée à un échec éventuel, parce que tout le monde peut mourir. Alors, si on n’est pas assez rebelle pour lutter, tous les jours, on ne peut pas être un bon médecin.