Le Conseil national approuve le Budget rectificatif 2022
Les élus ont voté pour le Budget à la majorité. Le Conseil national attend toutefois « des solutions concrètes et rapidement réalisables », notamment sur les questions du logement et de la mobilité.
C’est avec 16 voix « pour » et quatre « contre » que les Conseillers nationaux ont approuvé, le 18 octobre dernier, le Budget rectificatif 2022. Un budget excédentaire de 8,8 millions d’euros, et dont les recettes ont dépassé les deux milliards d’euros.
Au cours de la séance publique, au sein de l’Hémicycle, les Conseillers nationaux se sont particulièrement exprimés sur deux questions épineuses : le logement d’une part et la mobilité d’autre part.
Le logement et la mobilité au cœur des réclamations
Fustigeant notamment les retards de livraison, Franck Lobono, Président de la Commission du Logement, fait partie des quatre votes contre le Budget : « sur ce Budget Rectificatif, la confiance est rompue en matière de logement. Le compte n’y est plus, les programmes annoncés ont disparu, la dérive est constatée avec les livraisons de 2024, 2025 et 2026 qui sont très compromises. (…) Bel Air, Les Lierres / Nathalie, Evos, Grande-Bretagne sont autant de projets avortés ou en difficulté ; résultats du manque d’anticipation, du manque de concertation entre les services, d’entêtements technocratiques et de manque d’écoute du Conseil national. Je le dis très clairement, je ne veux pas d’une nouvelle pénurie du logement à partir de 2025 », a-t-il précisé.
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« Dès notre installation nous avions pointé du doigt le fiasco du CHPG. Le Gouvernement s’était engagé à tout mettre en œuvre pour ne plus réitérer de tels déconvenues. Opération Bel Air, surélévation de la Sureté Publique, opération Carmela… C’est bis repetita. Des délais non respectés, des coûts non maîtrisés et des dépenses inconsidérées qu’on aurait pu largement éviter. (…) C’est avec la tête froide que je pense pouvoir vous dire aujourd’hui que la confiance est rompue. Dans une relation de couple, un tel comportement conduirait deux partenaires à la rupture », a ajouté Thomas Brezzo.
Autre point de mécontentement : la mobilité. Guillaume Rose, Président de la Commission Environnement et Qualité de Vie, a aussi expliqué pourquoi il ne souhaitait pas voter en faveur du Budget, bien qu’il ait tenu à saluer « les finances florissantes » et « les projets plein les tiroirs » : « si nous pouvons entendre que travailler avec la France est compliqué, pour la plus grande souffrance des pendulaires, qui vivent tous les jours un chemin de croix de plus en plus long, nous ne voyons cependant rien vraiment sortir même en Principauté. Ah si ! La gratuité des bus, accouchée au forceps par le Conseil national, dont le Gouvernement programme et proclame déjà la mort à peine née, en plein pic de circulation. Nous ne vous lâcherons pas, Mesdames et Messieurs du Gouvernement, avec cette gratuité salutaire. »
De même, Jean-Louis Grinda, Président de la Commission pour le suivi du Fonds de Réserve Constitutionnel et la Modernisation des Comptes Publics a expliqué son vote contre : « je n’ai pas été convaincu par les réponses du Gouvernement sur la mobilité. Ce qui motive ma réticence c’est moins l’absence de “grandes solutions” que la répétition à l’envi des mêmes mantras : depuis combien de temps étudie-t-on le métro, la Brasca, le téléphérique, le Transport Collectif en Site Propre ? D’études en audits, les décisions, certes délicates, sont sans cesse repoussées. Le temps des décisions est venu. Nous les attendons », a-t-il martelé.
Un vote « pour » majoritaire, mais des questions soulevées
De leur côté, les 16 autres élus ont fait le choix de voter en faveur du Budget rectificatif, non sans faire part de leurs interrogations au Gouvernement, à l’instar de Karen Aliprendi, qui a souhaité « exprimer l’exaspération grandissante des Monégasques et des résidents face à la dégradation continue des conditions de circulation et face à l’augmentation des nuisances de toutes natures. Cette marche des chantiers ne doit pas se faire au détriment de la qualité de vie à laquelle les Monégasques et les résidents aspirent légitimement. »
Marine Grisoul, Présidente de la Commission de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports, a quant à elle tenu à relever un certain nombre de satisfactions dans la plupart de ces domaines, avec notamment la mise en place du collège numérique et le vote de la loi relative au harcèlement scolaire. L’élue a cependant regretté l’absence de projets d’infrastructures ludiques en faveur de la jeunesse, ainsi que les dix ans prévus pour la rénovation du Stade Louis-II : « le football monégasque de haut niveau mais aussi l’athlétisme méritent mieux », a-t-elle souligné.
De son côté, Daniel Boeri a abordé la question du dérèglement climatique, « une priorité pour tous dès maintenant », rappelant ses conséquences à travers le monde, notamment en Antarctique et au Nigéria, et appelant ainsi à préparer « le Monaco des générations futures ». « Les comptes du pays sont bons. Notre « 0 dette » est remarquable, alors que les comptes de nos voisins se dégradent fortement. Toutefois, le contexte économique, social et énergétique se détériore de façon plus intense et plus fréquente qu’attendu. Ce budget comptable n’anticipe en rien le monde risqué de demain, sauf l’annonce du Plan de maîtrise des énergies », a expliqué le Président de la Commission de la Culture et du Patrimoine.
Pour sa part, Balthazar Seydoux, Vice-Président de l’Hémicycle et Président de la Commission des Finances et de l’Economie Nationale a soulevé en début de séance plusieurs points positifs : « sur le pouvoir d’achat, l’Etat est au rendez-vous, par la revalorisation du traitement des agents et retraités du service public et de l’hôpital, ainsi que par la possibilité, pour nos entreprises, d’octroyer une prime sans charge à leurs salariés. D’autre part, la bonne santé économique de la Principauté permet à nos finances publiques de poursuivre le financement des grands projets structurants pour l’avenir. Après deux ans dans un contexte de crise majeure, due à la Covid et, une situation mondiale très instable encore aujourd’hui, l’attractivité monégasque est une ressource précieuse ». L’élu a toutefois ajouté que le Conseil national « attend des solutions concrètes et rapidement réalisables », notamment sur le logement et la mobilité.
A l’issue de la séance, la Présidente Brigitte Boccone-Pagès a appelé « au pas vers l’autre » : « je comprends, Monsieur le Ministre, qu’il ne soit pas toujours très agréable d’entendre des remarques, ou d’être interpellé par des questions des Conseillères Nationales et des Conseillers Nationaux. Pour autant, il ne faut pas devant la représentation nationale laisser se développer l’idée désormais révolue d’une adversité entre le Gouvernement et le Conseil national. (…) Nous travaillons depuis plus de deux ans dans l’union nationale des élus et dans l’unité des institutions. Je veillerai à ce que cela perdure, dans l’intérêt général et pour la qualité de notre relation institutionnelle. »
Le Gouvernement « a entendu le message »
Interrogé à l’issue de la Séance publique par Monaco Info, Pierre Dartout, qui n’a pas souhaité s’exprimer après les différentes interventions dans l’Hémicycle, a fait le bilan de cette session : « nous avons un budget qui a été largement approuvé par le Conseil national. Nous sommes satisfaits mais nous sommes bien sûr conscients d’un certain nombre de points, sur des éléments assez précis, comme le logement ou la mobilité, pour lesquels les Conseillers nationaux ont exprimé un certain nombre d’attentes, que l’on peut comprendre. Mais en retour, on demande aussi à ce qu’on comprenne bien les difficultés qu’il peut y avoir, compte tenu de la rareté du foncier à Monaco, compte tenu aussi du fait que les questions de mobilité sont difficiles à régler. Mais nous avons entendu le message et je peux vous confirmer que ces deux sujets sont, pour le Gouvernement, des sujets tout à fait prioritaires. »
Le Ministre d’Etat s’est également réjoui du caractère excédentaire du Budget : « c’est un indicateur très positif : ça prouve que la situation économique est favorable, puisque les principales recettes du budget de l’Etat à Monaco, c’est la TVA, et notamment son volet immobilier mais pas seulement. Tout cela est l’expression d’une situation économique d’échanges, d’investissements qui sont faits, qui sont tout à fait porteurs. Non seulement il y a cet excédent qui traduit une bonne situation économique, mais nous sommes aussi animés par un sentiment de regarder vers le futur, vers l’avenir, il y a donc des provisions qui sont faites. »
Pierre Dartout a aussi assuré que face à la crise énergétique, la Principauté est décidée à mettre en place un bouclier tarifaire pour limiter les hausses pour la population.
La prochaine séance publique législative aura lieu le 30 novembre, à 17 heures prochain pour « débattre de textes d’importance. »