Récit

5 bandes dessinées autobiographiques à découvrir à la Médiathèque de Monaco

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Malaterre, de Pierre-Henry Gomont. ©Monaco Tribune

Ce mois-ci, partons à la rencontre des auteurs, et surtout illustrateurs, qui se racontent.

« L’intérêt de cette thématique, c’est que cela va être fait de façon complètement différente, en fonction des auteurs et des cultures », nous explique Nathalie Barbaste-Marro, bibliothécaire au sein de la Médiathèque de Monaco, qui a préparé une sélection de quelques oeuvres de ce genre.

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Malaterre – Pierre-Henry Gomont

  • Malaterre, Pierre-Henry Gomont – Éditions Dargaud, 2018.

« C’est d’une beauté ». Nathalie Barbaste-Marro a eu un véritable coup de coeur pour Malaterre, entièrement écrite et dessinée par Pierre-Henry Gomont. L’auteur français, plusieurs fois primé par le passé, remportera le Grand prix RTL de la bande dessinée en 2018 pour Malaterre. Dans cet ouvrage qui lui aura demandé près de 8 ans de travail, il y raconte sa jeunesse dans la forêt équatoriale.

Au coeur de l’histoire, Gabriel, un père entouré de quelques vieux démons, disparus pendant 5 ans en Afrique. À son retour, il obtient la garde de ses deux aînés, Mathilde et Simon, et les emmène avec lui en Afrique équatoriale. « Ils sont livrés à eux-même mais c’est comme un Eden, ce pays tropical où ils ont une très grande liberté de vie, de choix », raconte Nathalie Barbaste-Marro qui ajoute « qu’ils sont d’abord enfant puis adolescents ». L’ouvrage évoque également le retour en Europe de Simon, « un choc terrible ». « Il n’y a plus cette liberté, plus cette jeunesse, il est rentré dans le monde des réalités ». La bibliothécaire reconnaît une composition « particulière » dans cette bande dessinée, où trois récits se mêle : le dessin, les bulles dans le dessin et une voix-off, qui s’insère parfois entre les cases. « C’est d’une force… C’est intime, c’est très beau », conclut Nathalie Barbaste-Marro.

Journal inquiet d’Istanbul – Ersin Karabulut

  • Journal inquiet d’Istanbul, Ersin Karabulut – Édition Dargaud, 2022.

Caricaturiste de renom en Turquie, Ersin Karabulut s’était déjà fait remarquer en 2018, lors de la sortie de Contes ordinaires d’une société résigné, l’équivalent d’une dystopie sur la société turque. L’artiste et auteur s’est déjà retrouvé jugé au tribunal pour une caricature ayant déplu au président Recep Tayyip Erdogan.

Dans le premier volume de Journal inquiet d’Istanbul, paru en 2022, Ersin Karabulut raconte sa jeunesse en Turquie, sa passion pour le dessin, en parallèle de l’évolution sociale et politique du pays. « Il est obligé de s’exiler, il raconte comment le pouvoir se resserre sur lui », raconte Nathalie Barbaste-Marro, qui vante le fait de mêler son histoire à la grande Histoire. « On en apprend énormément sur la Turquie des dernières décennies, c’est passionnant ». Une autobiographie pour alerter sur l’importance de la liberté d’expression et de la presse dans la Turquie d’Erdogan.

Le petit frère – Jean-Louis Tripp

  • Le petit frère, Jean-Louis Tripp – Éditions Casterman, 2022.

Jean-Louis Tripp a connu plusieurs succès dans sa carrière de scénariste et dessinateur de bandes dessinées. En 2005, il collabore avec Régis Liosel pour créer Magasin général, une série de neuf albums qui se vendra à plus d’un million d’exemplaires. Le petit frère est da dernière oeuvre en date et la première dans laquelle il revient sur sa vie, ou du moins une partie. En août 1976, le frère de Jean-Louis, alors âgé de 18 ans, est fauché par une voiture. Transporté à l’hôpital, le jeune garçon de 11 ans succombe à ses blessures quelques heures plus tard.

En 2022, l’auteur revient sur cet épisode. Le petit frère lui fait revivre ce drame, étape par étape, au travers de sa mémoire et de celle de ses proches. Un roman graphique très intimiste au dessin particulièrement réaliste. Il vous suffira d’en feuilleter quelques pages pour plonger dans l’histoire et les pensées de Jean-Louis Tripp.

Environnement toxique – Kate Beaton

  • Environnement toxique, Kate Beaton – Éditions Casterman, 2022

Pour rembourser son prêt étudiant, Kate Beaton fait le choix d’aller travailler dans les puits de pétrole de l’Ouest canadien, en quittant la Nouvelle-Ecosse. Dans Environnement toxique, elle dépeint un univers violent, le harcèlement quotidien, l’exploitation des ressources naturelles et le sexisme. « Comme c’est dangereux, polluant et dans des conditions de travail très dures, il y a beaucoup d’argent à la clé et elle peut rembourser son prêt en 1 ou 2 ans », précise Nathalie Barbaste-Marro.

Étant l’une des seules femmes sur place, Kate Beaton souffre de ces conditions de travail mêlées à la fréquentation d’hommes cloîtrés dans ces mine depuis des mois ou des années. « On la suit dans cette expérience et c’est très intéressant. Malgré l’environnement qu’on décrit, elle l’aborde de manière assez subtile et dénonce davantage un système ». La bibliothécaire ajoute que la bande dessinée « nous fait comprendre beaucoup de choses, notamment d’un point de vue sociologique ». Le tout mêlé à un dessin simple, du gris aux nuances de bleu, qui rend l’immersion encore plus totale.

Journal d’une vie tranquille – Tetsuya Chiba

  • Journal d’une vie tranquille, Tetsuya Chiba – Édition Vega – Dupuis, 2015.

À 84 ans, Tetsuya Chiba a mené une intense vie de mangaka au Japon. Il est notamment l’auteur d’Ashita no Joe, une oeuvre aujourd’hui vue comme un manga culte qui s’est vendu à plus de 16 millions d’exemplaires. Dans Journal d’une vie tranquille, édité sous le format du manga, l’auteur revient sur sa jeunesse, de son retour au Japon après la guerre au début de son intérêt pour le dessin et l’édition. « Après la guerre, tu plonges dans le mondé éditorial du Japon, on apprend par exemple qu’ils gagnaient très peu leur vie par rapport à leur succès », illustre Nathalie Barbaste-Marro.

C’est par le biais de scènettes en flash-back que l’auteur à la vie bien remplie se remémore les grands moments de cette dernière. Né en 1939, Tetsuya Chiba peut nous garder très longtemps scotchés à ses récits d’une existence rocambolesque, associés à un positivisme ravivant.