Du 17ème siècle à aujourd’hui, découvrez l’histoire des canons de Monaco
Que cela soit sur le Fort Antoine ou sur la Place du Palais, les canons font partie du paysage du Rocher de Monaco. Quel est donc le lien entre la Principauté et cette artillerie toujours exposée ?
Après presque plus d’un siècle, deux canons de 65mm ont repris du service sur l’esplanade du Fort Antoine. Il y a plusieurs semaines, le Prince Albert II et la Princesse Charlène ont eux-même procédé au tir de chacun d’entre eux, venus remplacer deux canons obsolètes, en service pour le Corps des Carabiniers du Prince de 1890 à 1926.
Il faut cependant remonter quelques siècles auparavant pour que l’histoire entre la Principauté et l’artillerie lourde débute.
Des canons offerts à Monaco au 17ème siècle
« Il est logique que Monaco, comme place forte stratégique ayant abrité une garnison française entre 1641 et la Révolution, ait été équipé de canons », nous confie Thomas Blanchy, Adjoint au Directeur des Archives et de la Bibliothèque du Palais Princier. Dans son ouvrage sur le Palais de Monaco, paru en 1932, Léon Honoré Labande évoque des travaux entrepris sous le règne d’Antoine Ier (1701-1731) pour moderniser les défenses du palais. Il y cite des emplacements garnis de canons, possiblement quelques uns des vestiges du passé que nous pouvons observer aujourd’hui.
La tradition voudrait que des canons aient été donnés à Monaco au 17ème siècle. Cela pourrait concerner ceux du Palais Princier et du Fort Antoine, à en croire cet article du Journal de Monaco, daté du 20 mars 1877.
Mais grâce à Dieu, cet appareil de guerre n’a d’autre but que de conserver le souvenir d’un passé glorieux et d’attaques héroïquement repoussées
Journal de Monaco, 20 mars 1877
« Il n’est pas de même de la pièce en bronze allongée sur le terre-plein du fort Antoine et dont cependant le modèle est aujourd’hui également délaissé. Celui-là. pourrait encore remplir son office aussi bien que les quatorze canons et que les deux mortiers en bronze offerts par le roi Louis XIV aux Princes de Monaco en témoignage de leur fidèle alliance et de la part qu’ils ont toujours prise aux guerres triomphantes ou malheureuses de la grande nation.
A l’exception d’un mortier et de deux canons, toutes ces pièces sont de fort calibre, d’un coulage parfait; chacune d’elles a son nom et porte les initiales du grand roi avec ses armes et la fameuse devise Nec pluribus impar. Des pyramides de bombes et de boulets sont entassées à côté d’elles. Mais grâce à Dieu, cet appareil de guerre n’a d’autre but que de conserver le souvenir d’un passé glorieux et d’attaques héroïquement repoussées, et d’une communauté de fortune dont s’enorgueillit justement la famille historique des Grimaldi. »
Le système Gribeauval au Palais Princier
Certains canons ont été enlevés ou détruits à l’époque révolutionnaire, dans les années 1790. Thomas Blanchy évoque les écrits du comte Ludovic de Colleville. « Je ne sais pas si l’on peut totalement prêter foi à ces écrits. Dans sa biographie du prince Albert Ier, publiée en 1908, il avance, sans citer ses sources, que Charles III et Albert Ier se sont procurés les canons que l’on voit aujourd’hui sur la place du palais, pour remplacer les anciens modèles donnés par Louis XIV et deux pièces installées sous Napoléon. »
Il nous confirme cependant la présence, sur une terrasse située dans l’enceinte du Palais, de deux canons du système Gribeauval, d’époque napoléonienne. Un système d’artillerie introduit par le lieutenant général Jean Baptiste Vaquette de Gribeauval au 18ème siècle qui a révolutionné les canons français, avec un nouveau système de production qui permettait des canons plus légers et plus uniformes sans sacrifier la portée.
Le 19e siècle, décoration et protocole
A partir du 19ème siècle, l’artillerie à Monaco remplit une fonction décorative et protocolaire plutôt que défensive. À cette période, les canons installés à Monaco sont probablement abîmés et sans leurs affuts, ces bâtis en bois ou métalliques qui supportent le plus souvent le canon ou toute pièce lourde d’artillerie. « Un rapport de 1877, nous apprend que des affûts et des accessoires d’artillerie sont ainsi envoyés par le Gouvernement français depuis la direction d’artillerie à Toulon et remis au commandant du Palais », indique Thomas Blanchy. Ce dernier ajoute qu’en 1880, un carrossier est payé pour réparer les affuts des canons installés sur l’Avenue de la Quarantaine.
Les canons de salut
En 1904, la Principauté acquiert d’ailleurs des pièces plus modernes auprès du Gouvernement français pour les tirs d’artillerie donnés à des événements particuliers, tels que la naissance des Princes et Princesses monégasques ou encore la Fête Nationale. La Cellule historique de la Compagnie des Carabiniers du Prince a dressé un historique de ces canons.
On y apprend qu’au début du 20ème siècle, les salves sont essentiellement tirées depuis l’esplanade de la statue de la Mer ou de l’esplanade Sainte-Barbe, sur la place du Palais. Elles sont plus rarement tirées au Fort Antoine. C’est ici qu’ont été récemment remplacés deux modèles de 65mm par deux nouveaux-venus, remilitarisés pour l’occasion.
À cette période, lors le Prince rentrait en Principauté après une longue absence, il était salué par une salve d’artillerie. Le carabinier Augustin Benelli (quatrième en partant de la gauche sur la seconde image ci-dessus) est notamment responsable des tirs au canon entre les années 1910 et 1930.
Les canons de 65 mm sont alors utilisés pour des événements relatifs à la Famille Princière. Les funérailles du Prince Albert Ier le 8 juillet 1922 ou encore la naissance du Prince Rainier III, le 13 janvier 1923. Ce jour-là, 21 coups de canon sont tirés depuis les jardins du Fort-Antoine. S’il avait été un Prince Héréditaire, 101 coups auraient été tirés. Il ne le deviendra que le 31 mai 1944 lorsque sa mère, la Princesse Charlotte, renonce à ses droits de succession.
Après 1926, les cahiers de marche journalière de la Compagnie des Carabiniers n’accueillent plus aucune mention de tirs aux canons de 65mm. Leur utilisation semble s’être arrêtée là. Ils sont ensuite entreposés sour le porche d’Honneur du Palais princier, puis exposés dans les halls et salles de réunion des casernes du Palais et de Saint-Roman. Plus tard, ils seront transférés à la caserne des Moneghetti.
Quelques années avant, la transition vers des canons de 47mm commençait à s’effectuer. En 1924, deux modèles sont installés et un tir d’essai est réalisé au Fort Antoine. Le 27 mars de la même année, un canon de 47mm est utilisé pour un tir de salut. Toutes les munitions sont d’ailleurs stockées à la soute de la pointe Saint-Martin, non loin de là.
En décembre 1925, les deux canons sont définitivement installés sur terrasse donnant sur le port, à l’arrière du Ministère d’État. Dès lors, les tirs pratiqués depuis l’esplanade de la statue de la Mer et l’esplanade Sainte-Barbe cessent. Ce qu’on appelle la batterie de la Porte-Neuve sera démantelée puis transférée définitivement au Fort Antoine en 1967. Avant leur transfert, les canons de 47mm auront été utilisés pour un certain Mariage Princier, le 19 avril 1956, entre le Prince Rainier III et la future Princesse Grace, ou encore les naissances de la Princesse Caroline, du Prince Albert II et de la Princesse Stéphanie.
La dernière fois que les canons monégasques ont résonné dans la Principauté entière, c’était le 10 décembre 2014, aux alentours de 20h. Le Prince Héréditaire Jacques et la Princesse Gabriella étaient nés. D’ordinaire, la naissance d’un garçon destiné à hériter du trône valait 101 coups de canons, celle d’une fille 21. Ce soir là, 42 coups ont été tirés. Le Couple Princier avait annoncé qu’il dérogerait à la coutume, pour ne pas faire de distinction parmi les jumeaux.