Récit

Des vies brisées après la chute d’un palmier lors de travaux à l’Hôtel de Paris ayant coûté la vie à un ouvrier

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L'homme est décédé après « trois ans de souffrances » © Monaco Tribune / Théo Briand

Les faits se sont déroulés le 28 avril 2017 vers 7h40 du matin. L’Hôtel de Paris était en pleine rénovation, les travaux touchaient presque à leur fin quand un accident dramatique est survenu sur le chantier touchant deux intérimaires.

Alors que les plantations de neuf palmiers étaient en cours et quasiment achevées sur la terrasse de l’hôtel qui donne sur la mer Méditerranée, un arbre d’une tonne s’est abattu brusquement sur deux ouvriers intérimaires employés par une société spécialisée dans l’étanchéité. La chute a causé un traumatisme crânien pour le premier ouvrier et a sectionné la colonne vertébrale du deuxième le rendant paraplégique en plus de lui provoquer un traumatisme thoracique. Ce dernier, malgré les soins apportés, est mort trois ans plus tard, le 18 mars 2020, des séquelles de cet accident laissant une femme et six enfants derrière lui.

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Le tribunal correctionnel de Monaco, présidé par Jérôme Fougeras-Lavergnolle, a ouvert ce mardi le procès de trois entreprises, poursuivies pour « homicide involontaire » et « blessures involontaires ».

Des zones d’ombre sur la sécurité du chantier

Comme à l’accoutumé, dans ce genre d’affaires, il est difficile de trouver le responsable de l’accident. Etaient-ce les entreprises paysagistes, celle qui employait les intérimaires, l’architecte, la société coordinatrice de la sécurité sur le chantier ? Ces deux derniers ont bénéficié d’un non lieu, un premier point de crispation que ne comprend pas la défense. L’avocate des deux entreprises paysagistes, qui ont aujourd’hui fusionné, aurait apprécié pouvoir leur poser des questions.

Ensuite, le procès consiste à comprendre si un périmètre de sécurité avait été mis en place au moment des faits, si les arbres étaient bien maintenus et surtout si des risques n’ont pas délibérément été pris pour respecter les délais, le Grand Prix étant proche.

Ce matin-là, les paysagistes et les ouvriers chargés de l’étanchéité de la dalle travaillent ensemble alors même qu’aucune co-activité n’était autorisée pendant toute la durée du chantier. Les paysagistes terminaient leur travail de nuit qui bloquait l’avenue de Monte-Carlo, les ouvriers prenaient leur poste.

Aucun périmètre de sécurité n’avait été mis en place, les paysagistes avaient cependant au préalable pris la précaution d’avertir les responsables du chantier que des plantations et des manœuvres importantes allaient avoir lieu, sans pour autant stipuler précisément qu’aucune autre entreprise ne devait se trouver sur les lieux. « On pensait que l’étanchéité était terminée, on ne pensait pas voir d’autres employés », se défendent les responsables paysagistes.

« Rien ne pouvait faire croire à la chute d’un palmier »

Ils ne s’expliquent pas comment cet arbre a pu tomber. « On ne peut pas lâcher l’arbre s’il n’est pas sanglé. Celui-ci était déjà calé s’ils sont passés aux suivants. C’est un process qui est maîtrisé chez nous », a expliqué à la barre l’un des deux dirigeants. Le juge soulève la question du vent qui atteignait une vitesse maximum de 60km/h ce matin, aurait-il pû faire basculer le palmier ? Peut-être, les dirigeants émettent l’hypothèse d’une « combinaison de paramètres » qui aurait entraîné la chute du palmier. « Avec le vent, la sangle a pu pivoter… »

Du côté de l’entreprise d’étanchéité, le responsable explique : « Rien ne pouvait faire croire à la chute d’un palmier. Mon chef de chantier depuis 25 ans n’a vu aucun danger. Le fait qu’il y ait du personnel qui termine un travail ne nous a pas alertés. Ils auraient manipulé les arbres, on aurait interdit l’accès ! »

Des vies brisées

Les conséquences de cet accident sont dramatiques. Même si le décès de l’un des deux ouvriers est survenu trois ans après la chute de l’arbre, deux experts médicaux ont bel et bien conclu « que le décès était en lien avec l’accident du travail qui avait causé un traumatisme thoracique, une paraplégie et plusieurs complications pulmonaires et infections ainsi que des escarres. » Mais c’est également tout une famille qui est meurtrie, sa femme et ses six enfants.

Le deuxième qui avait subi un traumatisme crânien va mieux aujourd’hui et est consolidé selon son avocat. Il se souvient : « Je nettoyais la dalle avec un balai lorsque je me suis retrouvé projeté. Je ne comprenais pas ce qui m’étais arrivé. Je me souviens avoir eu froid et entendu des cris. »

Un verdict attendu

A travers la voix de son avocat, ce dernier a réclamé 50 860 € au titre du préjudice moral et physique. Il n’a cependant pas souhaité renvoyé l’affaire devant les intérêts civils, l’affaire ayant nécessité plus de sept ans d’instruction, la victime souhaite passer à autre chose.

L’avocat de la famille endeuillée à fait part des « trois ans de souffrances, très intenses » de la victime pour « une faute qui a entraîné le décès » de son client. Il déplore que les « sociétés identifient le risque mais se renvoient la balle. » La famille se constitue partie civile et à ce titre l’avocat a demandé une provision de 2 000 €.

Le substitut du procureur, lui, a requis des amendes de 10 000 € et 3 000 € pour les entreprises paysagistes et la société d’étanchéité respectivement.

Le délibéré sera rendu le 10 décembre.