Récit

Le FAMM : Un musée qui met à l’honneur les femmes artistes

© Jerome kelagopian - FAMM

En juin 2024, au cœur de Mougins, un musée unique en son genre a fait son apparition.

Sous la direction de Leisa Paoli, le Musée d’Art Classique de Mougins s’est métamorphosé pour devenir le FAMM : le premier musée européen des Beaux-Arts dédié aux femmes artistes. Entre passion, émotion et anecdotes fascinantes, Leisa Paoli nous fait découvrir cet écrin dédié à celles que l’Histoire de l’art ne met pas assez en avant.

Publicité

L’idée a germé il y a sept ans dans l’esprit de Christian Levett, collectionneur et fondateur du musée. « Monsieur Levett a voulu donner une voix à ces artistes femmes oubliées par l’Histoire de l’art », explique Leisa Paoli.

© Jerome Kelagopian – FAMM

C’est ainsi qu’en juin 2024, le FAMM a ouvert ses portes, exposant 90 artistes venues du monde entier et près d’une centaine d’œuvres, allant de l’impressionnisme à l’art contemporain.

« Dès qu’il m’en a parlé, j’étais complètement partante pour cette nouvelle vie du musée », confie la Directrice. En tant que femme, participer à une telle initiative était pour elle une évidence : « Être à la genèse d’un projet aussi exceptionnel reste rare ».

Et le pari semble réussi, si l’on en croit l’afflux de visiteurs, qu’ils soient fidèles au musée, passionnés d’art ou simplement curieux de découvrir ce nouveau lieu culturel.

« On a envie de donner vie à ces femmes, qu’on les regarde, qu’on les écoute enfin ! »

Impressionist Gallery at FAMM
© Jerome kelagopian – FAMM

Le FAMM offre une expérience unique. Dès les premières salles, le visiteur est plongé dans un dialogue intime avec les œuvres. « Le musée est petit en taille, mais cette proximité avec les créations est un privilège », explique-t-elle. « Vous êtes nez à nez avec elles, et cela provoque souvent des émotions très fortes. Certains visiteurs ont même pleuré devant certaines œuvres. »

Pour prolonger cette immersion, chaque œuvre est accompagnée d’une citation de son artiste, collectée avec soin. « Qu’elles soient vivantes ou non, nous avons voulu redonner une voix à ces femmes, pour que l’on comprenne leur travail mais aussi leur personnalité », précise-t-elle. Une application mobile et des audioguides, parfois enregistrés par les artistes elles-mêmes, viennent enrichir cette expérience. « Il faut se laisser surprendre », ajoute Bérénice Robaglia, Directrice du développement et des relations publiques du FAMM.

« On a envie de donner vie à ces femmes, qu’on les regarde, qu’on les écoute enfin ! Beaucoup de personnes ne s’attendent pas à être aussi émues. L’art devient une parenthèse hors du temps, un cocon », soulignent-elles.

Berthe Morisot, Jeune fille étendue, 1893
Berthe Morisot, Jeune fille étendue, 1893 ©FAMM

Une plateforme permanente pour les femmes artistes

Chaque salle du FAMM nous plonge dans une ambiance très singulière. Au rez-de-chaussée, on y croise les audacieuses pionnières de l’impressionnisme, comme Berthe Morisot, Mary Cassatt et Eva Gonzalès, toutes trois exposées dans les salons impressionnistes de leur époque, mais encore largement méconnues aujourd’hui. « Peu de gens connaissent Eva Gonzalès, car elle est morte jeune et n’a pas eu la chance de produire beaucoup, mais c’est une artiste qui mérite d’être reconnue », ajoute Bérénice. Dans cette même galerie, des artistes telles que Jacqueline Marval, avec son œuvre Le Fils du Roi, captivent l’attention, tout comme l’artiste surréaliste Aube Elléouët, fille d’André Breton, avec son œuvre Le Jugement de Salomon.

Enfin, on y retrouve d’autres figures majeures telles que Leonora Carrington ou Leonor Fini avec Le Train.

Figurative Gallery at FAMM
À droite, Elaine de Kooning, Walter (Auerbach), 1954 © Jerome Kelagopian – FAMM

L’émotion monte d’un cran dans la galerie dédiée à l’art abstrait où sont représentées notamment de nombreuses artistes américaines. « L’épicentre du monde de l’art à quitté Paris pour aller à New York lors de la guerre, le mouvement expressionniste abstrait est né là-bas », raconte Leisa. Parmi ces figures, Elaine de Kooning se distingue, notamment avec son portrait Walter (Auerbach), une œuvre qui mêle abstraction et figuration. Ce portrait a été choisi pour introduire cette galerie, car il constitue « une transition parfaite entre le figuratif et l’abstrait ». Elaine de Kooning aimait explorer les émotions et la psychologie des sujets. « On peut reconnaître les gens à la manière dont ils se tiennent », disait-elle, insistant sur l’importance du mouvement dans son travail. Mandatée pour peindre le portrait de John F. Kennedy, l’artiste a été frappée de plein fouet par son assassinat, la laissant incapable de peindre pendant un certain temps. 

On y trouve également des artistes telles que Marie Raymond, Helen Frankenthaler, Lalan (Xie Jinglan), ou encore Niki de Saint-Phalle.

D’autres noms comme Joan Mitchell envoûtent l’espace par leurs toiles. Joan Mitchell, par exemple, s’est inspirée de ses séjours dans le sud de la France pour son œuvre Le Rocher de Rufus. « C’est aussi un choix de Monsieur Levett d’avoir des œuvres en lien avec notre région », rappelle Leisa, tout en évoquant également l’artiste Dora Maar, compagne autrefois de Picasso, avec son Portrait de Jacqueline Breton-Lamba.

Dans ce même espace, Leisa nous présente un de ses coups de cœur, à savoir, Elizabeth Colomba et son tableau intitulé Roue de la fortune : « Les détails sont incroyables et on remarque toutes les références à son île d’origine ».

Sur le mur voisin, l’artiste Alice Neel bouleverse avec Jackie Curtis as a Boy. Elle est notamment réputée pour capturer l’âme et les tourments de ses sujets. 

Parmi les trésors du FAMM, l’autoportrait de l’artiste anglaise Celia Paul ne laisse également personne indifférent : « Elle a ce regard qui vous transperce », confie Leisa. Pour Celia Paul, la peinture était bien plus qu’une passion : elle la définissait comme une extension de sa personnalité. L’artiste attachait une importance particulière à peindre les personnes qu’elle connaissait et appréciait profondément. Christian Levett, grand admirateur de Celia Paul, possède plusieurs de ses toiles, dont un portrait de Camille Claudel. 

Figurative Gallery at FAMM_4_crédit ©FAMM_Photos Jerome Kelagopian
© Jerome kelagopian – FAMM

Le voyage artistique se poursuit avec des œuvres bouleversantes, comme le corset de la célèbre Mexicaine Frida Kahlo. Un véritable manifeste de ses convictions politiques et de sa douleur personnelle. « C’est son ADN, ça me donne des frissons. C’est comme si elle était avec nous », murmure Leisa.

Sur ce corset en plâtre, l’artiste a peint un marteau et une faucille, symboles de ses sympathies communistes, ainsi qu’un fœtus en développement, un poignant rappel de l’accident qui l’a marquée à vie et de son impossibilité d’avoir des enfants.

Les deux autres corsets de Frida sont conservés dans la collection permanente du musée Frida Kahlo à Mexico.

xxith-century-gallery-at-famm
© Jerome kelagopian – FAMM

Enfin, au sous-sol, sont présentées les artistes femmes du 21ème siècle comme Stacey Gillian Abe avec Murmures de sorgho II, Jenny Saville avec Génération, Jesse Mockrin avec L’effet Vénus, Sabine Moritz ou encore Tracey Emin avec Ivre jusqu’au fond de mon âme, un travail de patchwork et de broderie.

Un musée en mouvement

Le FAMM n’est pas figé dans le temps. Les rotations régulières et les prêts d’œuvres permettent de renouveler sans cesse l’expérience du musée. Actuellement, une pièce de Lee Krasner a été prêtée par le musée pour être exposée au musée Picasso à Paris, tandis qu’un tableau de Berthe Morisot voyage à Turin. « Nous avons la garantie de toujours avoir quelque chose de nouveau à faire découvrir à nos visiteurs réguliers », promet la Directrice du musée.

FAMM se démarque des autres musées ou des expositions car elle est la seule plateforme permanente dédiée exclusivement aux femmes artistes et ouverte tous les jours (excepté le 25 décembre). « Nous voulons les ancrer dans l’Histoire de l’art, pour que leur travail ne soit plus jamais relégué dans l’ombre », souligne Leisa.

« Avec le FAMM, l’objectif est de permettre à un large public de se rencontrer, de partager et d’échanger autour de leurs œuvres et de leurs personnalités », ajoute Bérénice.


Informations pratiques

Le musée est ouvert tous les jours.

Du 1er octobre au 20 juin: 10h – 18h
Du 21 juin au 30 septembre: 10h – 20h
Le 24 et le 31 décembre: de 10h à 16h
Fermé le 25 décembre.

Adresse : 32 rue commandeur, 06250 Mougins Vieux village