Publicité »
Publicité »
Interview

Michel Rouif, chirurgien plasticien : « La SOFCEP est devenue la société la plus dynamique d’Europe »

michel rouif
En 2025, la chirurgie esthétique est marquée par des interventions plus personnalisées, plus naturelles, qui privilégie des résultats subtils et raffinés © Sofcep

À l’occasion du 37e congrès de la SOFCEP, qui s’est tenu la semaine dernière autour du thème L’art et les manières, nous avons échangé avec le Dr Michel Rouif, chirurgien plasticien à Tours et secrétaire général de cette société savante depuis plus de dix ans. 

Installé depuis 1994, Michel Rouif exerce une activité exclusivement privée, avec une pratique qui mêle à la fois chirurgie conventionnée et actes hors nomenclature. Environ 40 % de son activité est encore remboursée par la sécurité sociale, notamment dans des cas d’hypertrophie mammaire, de plasties abdominales après amaigrissement, etc. À cela s’ajoute une part de chirurgie dermatologique à visée cancérologique. Mais, depuis plusieurs années, la majorité de son temps opératoire est dédiée à des interventions dites hors convention, ce qu’on appelle couramment la chirurgie esthétique.

Il insiste sur l’ambiguïté de cette terminologie, souvent réductrice : « On qualifie parfois cela de chirurgie esthétique, mais ce n’est pas très juste. Il y a aujourd’hui énormément d’actes qui ne sont plus pris en charge par la sécurité sociale, alors même qu’ils répondent à des souffrances réelles ». Il évoque les patients qui vivent très mal un nez bossu, des seins quasi inexistants, des paupières tombantes qui leur donnent un air malade, ou encore des abdomens relâchés après des pertes de poids importantes, « chez les hommes, c’est parfois encore plus difficile d’obtenir une prise en charge, alors qu’il y a une vraie gêne. » 

la SOFCEP est la société nationale la plus cohérente et la plus dynamique d’Europe dans notre spécialité

Son engagement au sein du board de la société internationale de chirurgie esthétique (ISAPS) s’inscrit dans cette même volonté de défendre une chirurgie esthétique éthique et qualitative. Ancien président de la société, Michel Rouif en est aujourd’hui le secrétaire général, un poste qu’il occupe depuis plus de dix ans. Il a également siégé durant huit années au sein du board international de la spécialité et co-dirige actuellement un comité de sécurité opératoire à l’échelle mondiale. Une fonction qu’il considère comme essentielle dans un domaine en constante évolution. « En France, on a des praticiens très bien formés, et la pratique est très encadrée par l’État et le Conseil de l’ordre. Mais il y a dix ans, la SOFCEP fonctionnait un peu comme un club fermé. On a voulu changer cela ». Avec ses confrères, il a œuvré à structurer la société autour de piliers clairs : les jeunes générations, les relations internationales, la formation scientifique : « On a développé des congrès plus ambitieux, des webinaires, un magazine et noué des liens avec des sociétés équivalentes à l’étranger, notamment aux États-Unis. Aujourd’hui, je pense sincèrement que la SOFCEP est une des sociétés nationales de chirurgiens esthétiques plasticiens la plus cohérente et la plus dynamique d’Europe. »

Dix ans en arrière, la SOFCEP comptait 150 de membres. Aujourd’hui, ils sont environ 430 à y adhérer, soit près de 40 % des chirurgiens plasticiens français. Cette année, pour le 37e congrès, les deux tiers des membres étaient présents sur place, ce qui constitue pour lui un excellent taux de participation. L’événement a aussi pris une dimension élargie, en intégrant un cours dédié aux injectables : le Fill Tox Course, dirigé par le Dr Charles Volpei, et en accueillant l’APSLD, l’association des chirurgiens plasticiens d’origine libanaise : « on a relié nos forces », indique-t-il.

Avec ces différentes structures réunies, ce sont entre 600 et 700 médecins qui ont participé au congrès. En comptant les partenaires de l’industrie et les représentants des technologies médicales, la fréquentation dépasse les 1 000 personnes sur site, voire plus « et plus des deux tiers sont des médecins », précise-t-il.

L’IA pourra bientôt nous aider à mieux communiquer avec les patients

La tenue du congrès à Monaco ne répond pas à une logique de clientèle, mais à celle de l’attractivité : « Monaco, c’est une place emblématique dans l’esthétique, ça attire. Quand on organise un congrès, c’est important de choisir un lieu reconnu », explique Michel Rouif. Bien sûr, cela a un coût, mais cette visibilité et cette capacité d’accueil deviennent indispensables à mesure que la société savante grandit. « Monaco faisait sens, et les prochaines éditions auront lieu à Biarritz, Nantes, Nice… », ajoute-t-il.

Parmi les évolutions marquantes du secteur, Michel Rouif évoque d’abord l’intelligence artificielle, dont l’usage reste encore limité en chirurgie esthétique, mais dont le potentiel est immense : « L’IA pourra bientôt nous aider à mieux communiquer avec les patients, à leur montrer des projections plus réalistes et personnalisées des résultats, à partir de leur propre image corporelle ». Une avancée précieuse dans un métier où l’on a « une obligation de moyens, mais non de résultats. »

Sur le terrain, les tendances les plus visibles concernent d’abord les injectables. Face aux dérives, injections illégales, complications, praticiens non qualifiés, la vigilance s’est accrue. « Il y a eu une prise de conscience. Ça a un peu ralenti l’activité, mais la qualité des actes est en hausse ». Des mesures sont d’ailleurs en cours pour encadrer la formation en médecine esthétique : « Cette année, on participe activement à la création d’un véritable diplôme universitaire, pour reconnaître ceux qui pratiquent correctement et interdire ceux qui n’ont rien à faire là. »

Autre sujet en développement : les fils tenseurs. De nouveaux produits apparaissent, offrant des résultats plus naturels dans le traitement du relâchement du visage. Un progrès qui s’inscrit dans la tendance générale à des gestes moins invasifs, mais plus ciblés.

Enfin, la chirurgie régénérative et de l’intime progresse aussi rapidement. Le transfert de graisse autologue, déjà utilisé pour le visage ou les seins, s’applique désormais à des indications plus fonctionnelles, notamment chez la femme : « on parle aujourd’hui de confort vaginal, de pathologies vulvaires, de modelage des grandes lèvres… Ce sont des sujets longtemps tabous. Mais quand on commence à en parler, les langues se délient », souligne-t-il. PRP, cellules souches, tissus graisseux enrichis : autant de pistes qui illustrent cette évolution vers une médecine régénérative plus fine, plus intime et surtout, plus à l’écoute des besoins réels des patientes.

Quant aux implants mammaires, « rien de fondamentalement nouveau », note-t-il, si ce n’est que les dispositifs actuels sont sûrs et de grande qualité : « Ce n’est pas parce qu’il y a eu un scandale il y a quelques années que les implants sont un problème aujourd’hui. »

Dans un monde saturé par les réseaux sociaux et les promesses irréalistes, les chirurgiens esthétiques doivent faire preuve de discernement. Pour Michel Rouif, cette pression est bien réelle : « C’est une vraie difficulté. Certains n’hésitent pas à vanter des résultats extraordinaires, y compris des confrères, mais nous, on doit rester dans une posture de sagesse. » Il insiste sur l’importance du recul et de l’expérience : savoir dire non fait partie du métier : « Si quelqu’un arrive avec un projet irréaliste, je n’opère pas. Je préfère être honnête : ce que vous attendez, je ne sais pas le faire ». Une franchise qui demande du courage et des convictions solides. « Il y a ceux qui savent dire non parce qu’ils ont la maturité ou qu’ils n’ont pas besoin de courir après les actes. Et il y a ceux qui ne savent pas dire non… pour d’autres raisons. »

Face aux effets d’annonce, soft lift, mini lift, ou aux techniques à la mode relayées dans les magazines ou sur les réseaux sociaux, le chirurgien préfère garder la tête froide : « On nous parle parfois de techniques qu’on n’a jamais vues validées, ou d’appareils qui n’ont pas encore fait leurs preuves. Ça doit être utilisé par des experts formés, qui savent ce qu’ils font, et surtout qui connaissent les limites ». Ce positionnement éthique, Michel Rouif le résume simplement : « Il faut plus que jamais avoir la force de ses convictions ». La chirurgie de la silhouette a connu une transformation spectaculaire en une décennie. « Il y a 10 ou 15 ans, on faisait de la chirurgie réparatrice après des grands amaigrissements : des liposuccions, des abdominoplasties, des réductions de bras, de cuisses… C’était parfois vu comme une chirurgie un peu rustique », explique le chirurgien plasticien. Aujourd’hui, on est entré dans une nouvelle ère, celle du raffinement.

Les attentes des patients ont évolué avec l’arrivée de nouvelles technologies : « On parle désormais de remodelage, de précision. On utilise des lasers, des radiofréquences, des appareils à énergie qui permettent une rétraction cutanée ciblée. On peut déplacer ou réinjecter la graisse avec une grande finesse ». Cette montée en sophistication s’accompagne d’un impératif : comprendre exactement ce que veut le patient. « On peut tout faire, ou presque. Mais il faut s’accorder sur les objectifs. Certains souhaitent un corps plus dessiné, d’autres veulent des résultats naturels. Les références esthétiques ne sont pas les mêmes selon les cultures, les pays. » Michel Rouif alerte toutefois : « Il y a des techniques qui impressionnent aujourd’hui, mais on ne sait pas encore comment elles vieilliront. Quel sera l’état des tissus dans 15 ans ? »

À cela s’ajoute un bouleversement récent : l’effet Ozempic : « C’est un raz-de-marée. Ces médicaments provoquent des pertes de poids rapides, spectaculaires, mais avec des effets secondaires sur la silhouette, la tonicité des tissus. Et en plus, ils créent une tension sur les stocks pour les diabétiques ». La chirurgie plastique et esthétique évolue à un rythme soutenu, portée par l’enthousiasme des professionnels, l’accélération technologique et une demande toujours croissante. « On ne perd pas de temps, il y a un tel engouement de tout le monde », indique Michel Rouif. Le progrès avance vite et les patients, eux aussi, sont déjà tournés vers demain.