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Interview

UNOC 2025 : le documentaire d’Hugo Hebbe sensibilise les enfants au rorqual de Méditerranée

Hugo Hebbe
Le documentaire Rorqual révèle l'existence du rorqual commun, deuxième plus grand animal au monde, présent dans les eaux profondes de la Méditerranée © Gregoire Crozet

Photographe animalier et réalisateur pour la fondation WWF France, Hugo Hebbe incarne une nouvelle génération de créateurs engagés pour la protection de l’environnement.

En 2023, il dévoile son tout premier documentaire en tant que réalisateur, Rorqual, produit par la fondation WWF France. Ce film d’une quarantaine de minutes, fruit de trois années de tournage en Méditerranée, révèle au grand public l’existence du rorqual commun, deuxième plus grand animal au monde, dans nos eaux. Vu par plusieurs millions de personnes, le documentaire illustre parfaitement sa philosophie : sensibiliser à l’environnement non seulement par la pédagogie, mais aussi par l’émotion et la beauté des images.

Alors que son film sera projeté dans le cadre de l’UNOC 2025 à Nice, Hugo Hebbe nous livre les coulisses de cette aventure cinématographique et scientifique exceptionnelle.

Comment est né le projet Rorqual et quel est l’objectif ? Quelles ont été vos motivations ?

Hugo : Rorqual est né de la rencontre entre plusieurs envies et convictions. D’abord, il y a eu vingt ans de recherche scientifique sur les rorquals communs en Méditerranée, menées par Denis Ody et ses équipes. Ces données précieuses méritaient d’être portées à la connaissance du grand public. Ensuite, avec mon équipe, on avait envie d’explorer une autre façon de sensibiliser, une nouvelle manière de communiquer sur l’environnement : non pas uniquement par l’alerte ou la pédagogie, mais aussi par le divertissement, l’émotion et la force de l’image.

C’était aussi un véritable défi personnel : me lancer dans la réalisation de mon premier documentaire, avec l’ambition de toucher autant les cœurs que les consciences.

Et enfin, il y avait un constat marquant : très peu de gens connaissaient l’existence d’un animal aussi impressionnant que le rorqual commun (le deuxième plus grand animal au monde) dans notre Méditerranée. Moi le premier, en tant que parisien et pourtant passionné de baleines, je l’ignorais avant de rejoindre le WWF. Je pense aujourd’hui que ce film a grandement contribué à le faire connaître.

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© HUGO HEBBE

Comment s’est déroulée la réalisation du documentaire ?

Pour ma part, cela s’est étalé sur trois ans de tournage. Chaque été, pendant plusieurs semaines, j’embarquais à bord du Blue Panda aux côtés de Denis Ody et ses équipes pour documenter leur travail sur le rorqual commun. J’ai eu la chance de filmer des séquences impressionnantes (comme une pose de balise en drone sur le dos d’un rorqual) et vivre le quotidien de scientifiques engagés. Je me suis également grandement aidé d’images d’archives filmées depuis 2016 par les équipes du Blue Panda. Le tout combiné, m’a permis de réaliser ce documentaire d’une quarantaine de minutes sur l’un des animaux les plus mystérieux de la mer Méditerranée. 

Avez-vous une anecdote à partager liée au tournage ? Un moment marquant, inattendu ou émouvant sur le terrain ?

La toute première fois que j’ai rencontré cet animal fascinant. J’ai rêvé de baleine depuis tout petit. J’ai grandi avec le film Océans de Jacques Perrin. Avoir la chance de vivre une telle rencontre de ses propres yeux me paraissait totalement inaccessible jusqu’à ce jour, et quel jour ! Pour poser une balise sur le dos de l’animal, nous nous sommes approchés au plus près, si près que j’ai reçu le souffle de la baleine en pleine figure… Je pense que cela restera à jamais gravé dans ma mémoire et c’est cette sensation que j’ai voulu retransmettre au mieux dans le film.

Il y avait aussi cette séquence lors de mon troisième tournage. Nous avons tenté pendant plus d’une heure d’approcher une baleine, mais rien n’y faisait. Elle avait un comportement totalement aléatoire, contrairement à ce que nous avions l’habitude d’observer. Elle restait moins de deux minutes en surface, plongeait pendant 10-15 minutes et ressortait dans une direction aléatoire. Un coup au sud, un coup à l’est, un coup au nord… Bref, sous le soleil écrasant, on commençait à perdre espoir. Et soudain, un élément est venu tout changer : un dauphin. Le dauphin est venu nous voir et c’est là que j’ai dit à Denis : « Bon écoute, je te propose que je lance le drone, que je suive le dauphin et que toi avec le pneumatique (le petit bateau) tu suives le drone ». L’idée derrière ça c’était évidemment que le dauphin nous amène à la baleine, car on sait qu’ils aiment bien aller les taquiner et… Bingo. Mon drone a filmé la sortie de la baleine (chose impossible en temps normal) et notre arrivée dans le champ jusqu’à la pose de balise. On était comme des fous, notre seule priorité ensuite était de récupérer le drone sans le faire couler… Peut-être la plus belle scène du film !

Le film a déjà été vu par plusieurs millions de personnes. Quels retours avez-vous reçus jusqu’à présent ?

Honnêtement, que des retours positifs. Les enfants adorent le film malgré sa complexité scientifique et les adultes me disent souvent : « Grâce à ce film, je sais maintenant qu’il y a des baleines en Méditerranée ». Ça, c’était l’objectif principal que l’on recherchait : émerveiller et sensibiliser. 

Qu’espérez-vous susciter avec ce documentaire ?

En prenant conscience de la beauté de notre mer, on espère évidemment éveiller des consciences et donner envie au grand public, mais aussi et surtout aux décideurs, de tout faire pour la protéger au mieux.

Une projection est prévue dans le cadre de l’UNOC 2025, à destination des enfants : que pouvez-vous nous dire sur ce dispositif ? Qu’attendez-vous ?

La ville de Nice organise cette projection, et c’est une initiative que je salue chaleureusement. Sensibiliser les plus jeunes à la beauté et à la fragilité du monde marin est essentiel. Ils sont les décideurs de demain, et leur regard sur l’environnement se construit très tôt. Avec Rorqual, j’ai voulu transmettre de l’émerveillement, mais aussi éveiller une prise de conscience. Si ce film peut semer une graine chez certains enfants, leur donner envie de protéger l’océan ou simplement les reconnecter à la nature, alors ce sera une immense réussite. Et pour avoir fait plusieurs projections dans des salles de classes, je peux d’avance vous dire que les enfants sont très réceptifs à nos messages. 

Que représente pour vous la diffusion de votre documentaire dans le contexte d’un événement international comme l’UNOC ?

C’est une grande fierté. L’UNOC est un événement mondial consacré à la protection de l’océan, et pouvoir y projeter Rorqual donne une résonance particulière à notre démarche. Ce film est né d’une volonté de sensibiliser autrement, à travers l’émotion et le récit. Le diffuser dans ce cadre, c’est l’opportunité de porter la voix du vivant au cœur des discussions internationales. Et c’est aussi un message fort : on peut faire passer des sujets complexes par le prisme du cinéma, du beau, du sensible et toucher un public large, y compris les plus jeunes.

Enfin, que vous inspire le fait que l’UNOC-3 se tienne en France, à Nice ? Pensez-vous que cela peut constituer un levier concret pour une action renforcée en Méditerranée ?

Le fait que l’UNOC-3 se tienne en France, et à Nice en particulier, est un signal fort. La Méditerranée est une mer semi-fermée, riche en biodiversité mais extrêmement vulnérable. Et pourtant, elle reste trop souvent absente des grands débats océaniques. Accueillir un sommet mondial ici, c’est reconnaître l’urgence d’agir localement pour un enjeu global. J’espère que cela ne restera pas un simple symbole, mais que cela permettra de concrétiser des engagements, notamment en matière de protection des cétacés, de lutte contre la pollution plastique ou de régulation du trafic maritime (qui est la première cause de mortalité non naturelle chez les cétacés).

Avez-vous d’autres projets en préparation que vous pourriez partager avec nous ?

Oui, un second film est en préparation et il devrait très bientôt voir le jour, car nos tournages sont déjà terminés. Cette fois-ci, on emmène le spectateur au cœur d’une forêt ancestrale à la rencontre de ses gardiens : les gorilles et les éléphants des forêts.