Témoignage : Être jeune et LGBT à Monaco, l’espoir d’une inclusion plus forte
Alors que l’Interruption Volontaire de Grossesse est plébiscitée à 80% par les Monégasques, selon la dernière consultation produite par le Conseil National, la question des droits de la communauté LGBTQI+ reste un point délicat pour la Principauté.
Adriano, 25 ans, a grandi en cachant une partie de lui-même. Aujourd’hui pleinement assumé, il raconte les défis de son parcours mais aussi ses espoirs pour une société monégasque plus inclusive.
À travers son témoignage, et celui de Mathilde Le Clerc, Présidente de la Commission de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports, se dessine le portrait d’une Principauté en mutation lente et plus ouverte.
Une enfance classique, ou presque
Né et élevé en Principauté, Adriano décrit son enfance comme celle d’un enfant « classique » de Monaco. Pourtant, dès son plus jeune âge, son comportement atypique et ses préférences ont suscité des commentaires désobligeants. « Dès la maternelle, j’étais plus proche d’un ami garçon que des autres. Je ne comprenais pas encore ce que cela signifiait, mais les remarques sur ma façon d’être étaient déjà là », raconte-t-il.
Ces remarques s’intensifient au collège. « J’ai reçu des insultes comme ‘pédé’ ou ‘tarlouze’ parce que je marchais d’une certaine manière. J’ai aussi subi des moqueries sur mon poids avant de perdre beaucoup de kilos au lycée. »
Dans le milieu scolaire, il regrette l’absence de sensibilisation. « À l’école, on ne parle que d’hétérosexualité, même lors des cours de prévention. Les relations homosexuelles ne sont pas mentionnées. »
Un coming out tardif, mais libérateur
Adriano confie avoir pris conscience de son orientation sexuelle dès l’âge de 12 ans, mais il lui faudra attendre ses 21 ans pour faire son coming-out. « Mon père, très attaché aux valeurs italiennes, voyait cela comme une phase « anormale ». J’ai tout enfoui pour donner l’image du fils parfait », explique-t-il.
C’est lors d’un séjour en Afrique du Sud qu’Adriano décide de ne plus se cacher. « J’ai appris à accepter qui j’étais grâce à mes voyages et à la méditation. Être moi-même est devenu une évidence », confie-t-il.
Des obstacles persistants à Monaco
Pleinement lui-même, Adriano, comme de nombreuses autres personnes issues de la communauté LGBT, doit faire face à de nombreux défis à Monaco. « Même si beaucoup nous acceptent aujourd’hui, il m’arrive souvent d’avoir des regards noirs. Ceux qui acceptent sont le plus souvent étrangers, d’ailleurs mon cercle d’amis est international. »
La Principauté est très sécurisée, mais cela n’empêche pas les discriminations notamment à l’embauche. Lors de sa recherche d’emploi, sans compter la discrimination passive, Adriano affirme avoir reçu des commentaires désobligeants dès son entrée dans une boîte d’intérim : « Non ça ne va pas être possible, les boucles d’oreilles c’est non. Chacun fait ce qu’il veut entre quatre murs mais vous ne pouvez pas venir comme ça. »
Une Principauté en mutation lente
Malgré ces constats, Adriano reconnaît des signes d’évolution. L’association monégasque « Mon’Arc en Ciel », créée récemment, offre un espace de soutien et de visibilité pour la communauté LGBT. Adriano y est désormais membre, convaincu que des initiatives locales sont essentielles pour changer les mentalités : « ça manquait cruellement en Principauté. »
Il salue également l’organisation de la « Pride » par la Banque Barclays. « C’est un premier pas pour briser les stéréotypes », insiste-t-il.
Le Conseil national en ordre de bataille contre le harcèlement
Mathilde Le Clerc, Présidente de la Commission de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports au Conseil National, reconnaît quelques lacunes en ce qui concerne la sensibilisation au harcèlement à l’encontre des personnes LGBT. « En dehors de l’organisation d’une « Semaine de l’École Inclusive », qui pourrait être étendue à cette thématique, je n’ai pas connaissance de dispositifs spécifiques relatifs aux questions LGBT. Mais, nous n’hésiterons pas, avec mes collègues Béatrice Fresko-Rolfo et Christine Pasquier-Ciulla notamment, à soulever ces questions avec le Directeur de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports. »
La présidente de la Commission de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports insiste, par ailleurs, sur le rôle que peuvent jouer les élus pour encadrer ces enjeux. « J’ai personnellement, depuis l’an passé, attiré l’attention du Gouvernement pour qu’il mobilise encore davantage le monde éducatif sur les effets délétères du harcèlement et sur la nécessité de ne pas se contenter de déplorer le phénomène… quand on ne le sous-estime pas. »
Le respect, l’acceptation doivent concerner toutes les différences, que ce soit entre valides et porteurs de handicap, entre les origines culturelles ou linguistiques
Pour Mathilde Le Clerc, le rejet de certaines personnes illustre la nécessité de renforcer le climat scolaire pour le rendre inclusif et respectueux. « Je pense que ce ‘climat respectueux de tous les élèves’ dépasse la notion essentielle de l’orientation ou du genre. Le respect, l’acceptation doivent concerner toutes les différences, que ce soit entre valides et porteurs de handicap, entre les origines culturelles ou linguistiques, bref tout ce qui fait la diversité d’une société de nos jours. »
Mathilde Le Clerc nuance toutefois les attentes. « Nous observons ce qui se passe à Monaco et ailleurs, et nous serons les premiers à étudier un texte si la situation le nécessite. Pour l’instant, il n’y a pas de projet spécifique sur la discrimination LGBT, mais nous restons vigilants. »
Un plaidoyer pour l’inclusion
Pour Adriano, l’avenir passe par davantage de visibilité et d’éducation. Son rêve ? Ouvrir un bar-restaurant inclusif, une « safe place » comme il l’appelle où « la discrimination reste à la porte et où chacun peut être soi-même. »
Il espère aussi des changements législatifs concrets, notamment la reconnaissance des unions civiles pour les couples de même sexe et une protection juridique renforcée contre la discrimination.
Mathilde Le Clerc partage cette vision d’une société plus inclusive, tout en appelant à une approche collective. « Nous touchons une question de société qui doit concerner tout le monde, les parents tout d’abord, toutes les personnes en contact avec les jeunes, mais également le monde du travail, les médias, bref, chacun d’entre nous. »