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Interview

Noam Yaron : « On a touché près de 60 millions de personnes pendant la traversée »

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Il y a deux semaines, Noam Yaron a tenté un défi, celui de traverser la Méditerranée à la nage sans sortir de l'eau, mais il a dû abandonner à seulement deux kilomètres de Monaco pour des raisons de santé © Noam Yaron Production - Studio Filmiz

Le nageur suisse revient sur son exploit historique entre Calvi et Monaco. Un record au service de la protection des océans.

Deux semaines après avoir émergé des eaux méditerranéennes au terme d’un défi inédit, Noam Yaron affiche un sourire fatigué mais victorieux. Le nageur suisse vient d’accomplir un exploit sans précédent : 102 heures et 24 minutes de nage en continu, parcourant près de 178 kilomètres entre Calvi et Monaco. Un record mondial qui dépasse largement les références habituelles de 50 à 60 heures pour les nages les plus longues au monde.

Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

« Je me sens extrêmement bien, je me remets gentiment de cette traversée historique pour la nature ! J’ai pas encore réussi à faire une vraie nuit avec mes blessures et mes brûlures, mais ça ne saurait tarder ! »

Hospitalisé quelques jours en soins intensifs après avoir été extrait de l’eau à seulement deux kilomètres de l’arrivée, le nageur ne regrette rien de son exploit historique.

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© Noam Yaron Production – Studio Filmiz

L’enfer des hallucinations après 48 heures

Quel a été le moment le plus difficile pendant ces 102 heures dans l’eau ?

« La fatigue, 102 heures et 24 minutes sans dormir, ça rend plus sensible, émotif et plus à l’écoute des douleurs et j’en ai eu plein… Mais j’ai bien réussi à surmonter ça avec mon équipe et surtout mes micro-siestes sur le dos ou en nageant ! »

Comment avez-vous géré les hallucinations que vous avez vécues ?

Le phénomène le plus impressionnant reste ces épisodes de dissociation avec la réalité : « C’était très très impressionnant. Ma réalité était complètement altérée, je ne voyais même plus le bateau par moment, je me voyais en voyage, hors de l’eau, loin d’ici ! C’est mon cerveau qui essayait de fuir la mer, il l’a associé à un élément traumatisant en me voyant passer toutes ces heures dans l’eau ! »

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© Noam Yaron Production – Studio Filmiz

Une rencontre magique avec un bébé dauphin

Que retenez-vous de plus marquant de cette expérience par rapport à votre première tentative l’an dernier ?

« Ma rencontre avec un bébé dauphin qui m’a tapé le ventre et est venu jouer avec moi en pleine nuit. Ce fut ma plus grande peur et le plus beau souvenir de cette traversée. Même si cette année j’ai vu beaucoup moins de biodiversité que l’an dernier, ce qui laisse croire que l’état de la Méditerranée est peut-être encore plus en déclin que ce que je pensais. On a réalisé des analyses scientifiques que l’on pourra comparer à celles de l’an dernier. »

Qu’avez-vous observé de l’état de la Méditerranée pendant ces 5 jours de nage ?

Le constat environnemental est sans appel : « J’ai vu plus de plastique que d’animaux et c’est triste. Sinon j’ai pu voir des tortues, des dauphins, un rorqual commun, des raies mobula, des thons … C’était magique, mais toujours moins de biodiversité que l’an dernier. »

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© Noam Yaron Production – Studio Filmiz

Un impact médiatique colossal

Votre message sur la protection de 30% des océans d’ici 2030 a-t-il été entendu comme vous l’espériez ?

« Bien au-delà de ce que je pensais possible. On a touché près de 60 millions de personnes pendant la traversée, ce qui représente presque l’équivalent de la population de la France, c’est juste énorme ! La mission était de reconnecter les gens avec la mer et de faire connaître ses enjeux ainsi que la richesse de sa biodiversité, car comment protéger ce qu’on ne connait pas ? »

Envisagez-vous de retenter l’expérience ou avez-vous un autre défi en tête pour sensibiliser à l’environnement ?

« Non, je ne referai pas la traversée Calvi-Monaco. Le défi a été plus que réussi de notre côté. Maintenant, on prépare un documentaire qui retrace ce défi historique, ainsi que sa mission environnementale. Puis, j’aimerais beaucoup écrire un livre sur cette expérience unique et sur la manière dont j’ai réussi à préparer mon corps et à réaliser cet exploit qu’aucun autre être humain n’a jamais réalisé dans ces conditions. Finalement, je continuerai à porter la cause le plus loin possible, notamment en tant qu’ambassadeur officiel de la campagne internationale Together For The Ocean initiée par Bloomberg Philantropies qui vise à défendre auprès des États l’importance de préserver 30% de l’Océan d’ici 2030. J’ai donc des mois bien chargés qui m’attendent et j’espère continuer à apporter de la lumière dans ce monde sombre dans lequel on vit et d’avoir un impact à grande échelle sur l’avenir de l’océan. »

La réponse de Noam est catégorique : ce défi unique ne sera pas renouvelé, mais son engagement environnemental se poursuivra désormais sur d’autres fronts, avec l’ambition de continuer à sensibiliser le monde entier à la protection des océans.