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Interview

Salah El Kadri, Directeur d’Em Sherif : « Le plus gros challenge, c’est d’assumer deux institutions, le restaurant et l’Hôtel de Paris »

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Salah El Kadri est à l'origine de la création du bar sur la terrasse - © Camille Esteve / Monaco Tribune

Notre dernier article de la série consacrée aux métiers de la Monte-Carlo Société des Bains de Mer (SBM) nous emmène au sein de l’Hôtel de Paris et, plus précisément, de son célèbre restaurant libanais.

Em Sherif Monte-Carlo, 15 heures. Dans le restaurant libanais du prestigieux Hôtel de Paris, le service du déjeuner touche à sa fin. C’est ici que nous rencontrons le directeur de l’établissement : Salah El Kadri. Sans se départir de son sourire et de sa bonne humeur, il répond aux dernières sollicitations de ses équipes et de la clientèle, et pour cause : depuis l’ouverture du restaurant, il y a presque deux ans, c’est lui qui veille, chaque jour, à son bon fonctionnement.

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Avec 43 membres du personnel, trois services et plus de 200 couverts quotidiens à gérer, les journées sont intenses. Mais Salah El Kadri est un habitué qui s’est formé sur le tas.

« J’ai obtenu un BTS d’hôtellerie en Belgique, dont je suis originaire. Puis j’ai eu un premier poste dans un Relais & Châteaux en Belgique, en tant que commis. J’ai vraiment commencé en bas de l’échelle, mais j’ai tout appris là-bas, surtout sur la gastronomie française. C’était LE départ vers la cuisine haut de gamme », raconte-t-il.

Et c’est en 2004 que Salah El Kadri quitte la Belgique pour rejoindre la Côte d’Azur, terre natale de son épouse. « Au début, je me suis demandé ce que je faisais là, révèle-t-il en riant. La mentalité ici est très différente de celle de la Belgique. Et puis, ma femme m’a fait visiter Monaco. Je suis allé sur la Place du Casino, j’ai vu l’Hôtel de Paris et je l’ai pris en photo. »

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Un cliché que Salah El Kadri conserve toujours soigneusement chez lui, car il ignorait au moment où il l’a pris que, pratiquement 20 ans plus tard, il travaillerait justement dans ce bâtiment qui l’avait tant impressionné. Mais pour en arriver là, la route fut longue et pleine d’enseignements : « une semaine après mon arrivée dans le sud, j’ai travaillé dans un restaurant libanais à Nice, La Cigale orientale, où j’ai été maître d’hôtel, puis responsable de salle. Je me souviens encore du jour où le directeur m’a convoqué dans son bureau pour me dire : « à partir de maintenant, tu prends la place de mon père ! » C’est là que j’ai eu une vraie responsabilité, que j’ai dû gérer un restaurant. Quand la chaîne a fermé, j’ai rejoint l’Hôtel Colombus, à Monaco, en tant que maître d’hôtel. J’y ai passé une très belle saison, puis j’ai découvert le Cap Estel, à Eze. J’y suis resté de 2011 à 2019. J’ai vraiment gravi les échelons là-bas, j’ai beaucoup appris et je suis devenu directeur F&B, c’est-à-dire directeur de la restauration. »

Gravir les échelons

De postes en postes, Salah El Kadri multiplie les responsabilités. Des défis qui ne lui font pas peur : « j’avais un plan de carrière très défini dans ma tête, avec toutes les décisions et tous les risques à prendre », affirme-t-il.

Avait-il prévu, dans son plan, de travailler pour le compte d’une éminente famille monégasque ? Qui sait. Après une longue réflexion, Salah El Kadri a finalement accepté l’offre formulée par une cliente du Cap Estel : gérer son family office, et notamment les chefs de cuisine et gouvernantes. « J’avais envie de challenge, je me nourris de challenge », explique-t-il. Et l’expérience se révèle extrêmement formatrice : Salah y développe un certain nombre de compétences, notamment en gestion et comptabilité.

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Mireille Hayek, fondatrice d’Em Sherif, et sa fille Yasmina, cheffe de l’établissement monégasque – © Monte-Carlo SBM

Mais quelques années plus tard, c’est une autre opportunité qui se présente, et pas des moindres ! « On m’a appelé pour me proposer de diriger Em Sherif. J’avais déjà une expérience dans la restauration libanaise, je savais que ce restaurant était l’exemple à suivre. Mireille Hayek a ouvert les portes de la haute cuisine libanaise. Je n’ai donc pas hésité, parce que je connaissais déjà cette gastronomie et parce que c’était l’Hôtel de Paris, cet hôtel que j’avais photographié en arrivant ici, en 2004 », se souvient-il avec enthousiasme.

L’Hôtel de Paris, justement. Lorsqu’il embauche ses nouvelles recrues, Salah El Kadri met un point d’honneur à les faire passer, le premier jour, par la porte principale de l’établissement, et non par la porte arrière réservée au personnel : « je veux qu’ils ressentent ce que j’ai ressenti la première fois en venant ici. Tous les matins, quand je me réveille, je me sens fier, j’ai hâte de revenir. Je veux que mes employés prennent conscience d’où ils sont, et qu’ils aient hâte de commencer. »

Transmettre sa passion

C’est donc dans une optique de transmission que le Directeur d’Em Sherif gère ses employés. « On a beaucoup de jeunes ici qui apprennent, et qui ne connaissent pas forcément la restauration. (…) L’humain, c’est le plus important. Au-delà des compétences, ce qui compte, c’est l’attitude et l’état d’esprit. Nos jeunes ont l’envie d’apprendre. On créé d’ailleurs un lien entre le personnel et les clients. Je n’ai pas connu ça quand j’ai appris le métier, mais c’est la philosophie que j’ai voulu mettre en place », explique Salah.

Et ce dernier n’hésite pas, aux côtés de ses managers, à redoubler d’ingéniosité et de créativité pour que ses employés apprennent toujours quelque chose de nouveau. Briefings, formations, dégustations… Pour comprendre les attentes du client et les défis des collègues, rien ne vaut la pratique ! « Souvent, je nomme un chef de rang pour se mettre dans la peau d’un manager ; ils voient ce que nous ne voyons pas, et réciproquement, et donc ils peuvent faire un retour pendant le briefing. (…) J’aime transmettre, apprendre des choses au personnel. On fait aussi du cross-training : on fait venir un serveur ou chef de rang en cuisine, pour qu’il se rende compte de toutes les étapes pour élaborer un plat. Parce que ce sont les ambassadeurs de la cuisine », détaille Salah El Kadri.

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Salah El Kadri sait qu’il peut compter sur ses équipes – © Monte-Carlo SBM

Le directeur considère d’ailleurs que chaque membre de l’équipe d’Em Sherif a un rôle d’ambassadeur… pour deux institutions : « il y a d’un côté l’Hôtel de Paris Monte-Carlo, et de l’autre Em Sherif et ses 23 restaurants dans le monde. L’image est primordiale pour nous. C’est le plus gros challenge : assumer ces deux institutions. Mais nous sommes aussi fiers de représenter ces deux lieux. »

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Le bar de la terrasse, sa plus grande fierté

Et pour représenter les lieux au mieux, Salah a eu carte blanche à son arrivée pour transformer l’ancien établissement d’Alain Ducasse en temple de la gastronomie libanaise chic et moderne. Sa plus grande fierté ? Le magnifique bar, sur la terrasse. « C’était mon idée, avoue-t-il avec modestie. Le concept nécessitait d’avoir un bar. Autrement, il fallait aller tous les jours au Bar américain pour chercher des cocktails. Dans un restaurant de 200/250 couverts par jour, c’était impossible. Maintenant, on a un bar complet avec frigos et glace pilée. Construire un bar comme celui-là, avec la confiance de la direction de l’Hôtel, c’est extraordinaire. Mes clients me disent que le bar a complètement changé la physionomie de la terrasse ! »

Salah et ses équipes ont aussi intégralement refait les cuisines, pour accueillir le matériel nécessaire pour la cuisine libanaise. A l’instar du tout récent barbecue, qui permet désormais de proposer des grillades au menu. Une suggestion directement venue des clients. « Les brochettes n’existaient pas l’an dernier, ce sont les clients qui nous les ont demandées. Nous avons la chance d’avoir les moyens de répondre à leurs attentes », se réjouit Salah.

Outre l’aspect purement financier, le directeur et ses équipes accordent une très haute importance aux retours de leurs clients : « je leur dis de toujours se mettre à la place de la clientèle, toujours. Nous faisons tout le temps des dégustations, pour voir ce qu’on peut améliorer. Par exemple, si une table nous dit qu’un plat était trop salé ou qu’il y avait un souci de cuisson, la cheffe Yasmina accepte toujours de le refaire le soir pour qu’on le goûte, et pour répondre à nos questions. »

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Tout en mentionnant sa grande écoute des clients, Salah El Kadri nous fait remarquer que, pris par notre interview, nous n’avions pas terminé notre Baklawa Em Sherif, ce qui pourrait donner lieu à un briefing pour en comprendre la raison. Nous y avons immédiatement remédié. © Monte-Carlo SBM

Pour faire face à cette exigence quotidienne, Salah l’affirme, la passion du métier est primordiale. « C’est un travail très difficile, si on n’est pas passionné, il faut faire autre chose. Quand je demande aux jeunes qui postulent ce qui les motive pour travailler ici, s’ils me répondent « le salaire », je sais que je ne pourrai rien leur apprendre et que eux ne pourront rien m’apporter », regrette-t-il.

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Heureusement, Salah peut tout de même compter sur une équipe solide et motivée. Le directeur les considère même comme une véritable famille. « D’ailleurs, quand quelqu’un nous rejoint, on lui dit toujours : « bienvenue dans la famille Em Sherif Monte-Carlo » », glisse-t-il en souriant.

Et dans l’optique de toujours plus améliorer l’expérience des clients de son restaurant, Salah espère pouvoir prochainement refaire l’intérieur de la salle, notamment au niveau des alcôves. « Pour que Em Sherif laisse son empreinte. Pour que les clients puissent vraiment voyager de Monaco, jusqu’à Beyrouth. »

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