Dr Alain Frère : « le centre du monde du cirque, c’est Monaco »
Le co-créateur du Festival International du Cirque de Monte-Carlo s’apprête à vivre sa 46ème édition.
C’est au coeur de l’exposition du « Prince au coeur du Cirque » que le Dr Alain Frère nous reçoit. Il est ici chez lui, à l’image des centaines d’objets importés de sa collection privée et exposés dans les 2 500 mètres carrés de surface de l’ancienne Collection de Voitures du Prince.
« Je n’ai jamais raté un seul numéro », sourit l’octogénaire, qui s’apprête à vivre une nouvelle édition de l’événement qu’il co-créait aux côtés du Prince Rainier III, 50 ans plus tôt.
À la demande du Prince
En déambulant dans l’exposition, les anecdotes fusent et les souvenirs du Docteur semblent intarissables. Costume après costume, numéro après numéro, la salle commémorative des différents Clowns d’Or gagnés pendant le Festival, la plus haute récompense possible, vient conclure une immersion totale dans le monde du cirque. L’occasion de se remémorer les débuts d’une « très belle aventure ».
« Pour le 25ème anniversaire de son règne, le Prince Rainier a voulu faire quelque chose pour le cirque à travers sa passion. Il a dit : moi, je suis Prince de Monaco, je vais faire quelque chose pour le cirque. Et c’est là qu’il s’est adressé au Maire de Monaco (Jean-Louis Médecin, de 1971 à 1991, ndlr). Il travaillait en équipe avec René Croési et Maurice Crovetto », témoigne Alain Frère. « Je suis tombé là-dedans, j’étais interne à l’hôpital de Monaco », ajoute-il. À l’époque, le passionné de cirque ne s’en cache pas, c’est comme cela que lui vient une première sollicitation.
Aucun cirque ne voulait venir
« Ils n’arrivaient pas à trouver de chapiteau. » Un appel lui incombe de rencontrer Jean-Louis Médecin pour trouver une solution. « J’avais déjà proposé l’idée du Festival, un événement en quatre spectacles, c’était du jamais vu et le Prince avait accepté ». Pour cette affaire de chapiteau, l’ancien médecin s’était tourné vers une famille pour laquelle il officiait : la famille Bouglione. Proche de cette illustre famille du cirque en France, Alain Frère se tourne vers Joseph Bouglione, alors à la direction du Cirque d’Hiver, mythique salle de spectacle parisienne. « Il me dit : moi, pour vous et pour le Prince, je viendrai ».
Si la situation semblait désespérée, il y avait bien une raison. « Aucun cirque ne voulait venir au Festival, ils avaient peur de se casser la gueule », répond avec franchise Alain Frère. « Ce n’est pas Monaco qui leur faisait peur, mais le fait de participer à quelque chose qui n’existait pas avant. Le Festival du cirque ne voulait rien dire ». C’est ainsi qu’en 1974, Joseph Bouglione permet la location de son propre chapiteau, et d’une régie complète, pour la première édition du Festival.
Avec émotion, Alain Frère conclut son histoire. « Le chapiteau étaient plein, 1 700 personnes ! Pendant la première édition, le Prince Rainier s’est tourné vers moi et m’a fait un clin d’oeil en me disant : « On l’a fait docteur. »» Entre 1976 et 1985, le Festival est abrité sous le chapiteau de l’American Circus, appartenant à la famille Togni. C’est à partir de 1987 qu’apparaît le chapiteau de Fontvieille que l’on connaît désormais, acheté par le Prince Rainier III pour pouvoir accueillir 4 000 personnes en simultanée.
« Je suis le seul survivant »
Ce vendredi 19 janvier marque le début du 46ème Festival International du Cirque de Monte-Carlo. Une édition spéciale pour les 50 ans du Festival, qui vient également clôturer les commémorations du centenaire de naissance du Prince Rainier III. Alain Frère sera dans les tribunes, fidèle à son poste. « Je suis le seul survivant de l’équipe d’origine », relate avec émotion celui qui occupe toujours le rôle de conseiller artistique auprès de la Princesse Stéphanie, actuelle présidente de l’événement.
C’est en 2005, à la mort du Prince Rainier III, que le flambeau passe dans les mains de sa plus jeune fille. Elle l’évoque régulièrement, la même passion du cirque l’anime. « Je souhaite qu’un membre de la Famille Princière continue la tradition », reconnaît Alain Frère. « Après le Prince Rainier III et la Princesse Stéphanie, j’espère qu’un enfant continuera ».
Garder le « vrai cirque »
Pour l’ancien médecin, chez qui la passion du cirque est apparue à l’âge de 4 ans, la Princesse Stéphanie a fait les bons choix. « Elle est extraordinaire, elle a gardé le vrai cirque : celui avec les animaux ». En 2018, la Princesse s’était exprimée au micro de Monaco Info, évoquant son implication pour le bien-être des animaux, répondant notamment à des accusation de maltraitance de ces derniers dans le monde circassien. Pour ce qui de perpétuer le cirque dit « traditionnel », cela ne fait aucun doute pour le co-créateur du Festival. « Sur ce point, je suis comme le Prince Rainier. Un cirque sans animaux n’est pas un cirque ». Cette année encore, éléphants, fauves, chevaux et animaux de la ferme seront à retrouver sur la piste.
Le Docteur admet sans hésiter que le Festival du Cirque monégasque « est le plus important du monde ». « Quand je voyage, je le remarque. Le centre du monde du cirque, c’est Monaco ». Entre 40 000 et 50 000 personnes sont encore attendues en ce début d’année 2024 pour assister aux « meilleurs numéros du monde ».
Votre performance préférée Docteur ? « Le trapèze volant, cela se joue au dixième de seconde ». À 88 ans, la passion et l’exigence d’Alain Frère n’ont pas changé. Jusqu’au 28 janvier, il vibrera aux cotés du public.