Elle jette de la bouillie et doit 2 500 euros de dommages et intérêts

Elle est jugée pour avoir souillé à plusieurs reprises la façade d’une agence immobilière à Monaco, entre mars et juillet 2024. Le tribunal a reconnu les faits et l’a condamnée ce mardi 20 mai.
Dès l’ouverture de l’audience, la prévenue, née en 1946 à Beausoleil, veuve et retraitée, sollicite un renvoi, affirmant ne pas être en état de comparaître. Face à elle, Monsieur M., gérant du commerce concerné, s’oppose à tout report. Il évoque des troubles récurrents dans le quartier. Selon lui, les faits ont duré plusieurs mois et ont suscité de nombreuses plaintes de copropriétés : « Le quartier de la Condamine vit un enfer concernant ce que fait madame. Plus vite elle s’arrêtera, au mieux ce sera pour moi et pour la communauté », affirme-t-il.
Après une courte suspension, le tribunal décide de maintenir l’audience.
Des faits incessants
Les faits reprochés portent sur des dépôts réguliers d’une « bouillie » devant l’agence immobilière, supposément pour nourrir les oiseaux. La bouillie est déposée tout autour du commerce, selon les constatations visuelles versées au dossier. Une contravention datée du 2 juillet 2024 fait également état de plusieurs injures lancées à l’encontre du plaignant. À la barre, la prévenue conteste : « Je ne reconnais pas les insultes. Je lui ai simplement dit que c’était un crétin. » Elle aurait pourtant, selon Monsieur M., traité ce dernier de « sous-homme », « d’ordure » et menacé que lui et ses fils auraient des problèmes.
Le président tente de maintenir l’ordre dans les échanges, souvent interrompus par la prévenue, qui lui coupe la parole et se défend vivement. Elle affirme ne suivre aucun traitement médical et ne souffrir d’aucun trouble psychiatrique. Le tribunal souligne également que ses casiers judiciaires sont vierges.
Elle reconnaît avoir nourri les oiseaux en déposant de la bouillie, mais refuse de considérer ce geste comme une infraction. Elle indique que les faits sont faux, qu’elle nourrit simplement les pigeons, que ce ne sont pas des immondices : « Nourrir les oiseaux, il n’y a aucun texte de loi qui interdit ça », déclare-t-elle. Le président lui rappelle alors l’article L. 451-1 du Code de l’environnement monégasque, qui stipule que toute personne doit respecter la propreté des espaces publics, et interdit tout dépôt ou rejet volontaire ou par négligence d’objets, détritus ou salissures diverses dans ces espaces.
Concernant l’évolution de son comportement, la prévenue a cessé ses dépôts depuis une semaine, mais ne reconnaît pas pour autant que ses actes sont interdits. « Le fait de faire ce que vous avez fait a été jugé comme une infraction », insiste le tribunal. Il lui demande si elle confirme ses déclarations aux forces de l’ordre, elle nie et répond : « Je me méfie, ils sont très très menteurs, monsieur. On dit que je suis violente. Nourrir les pigeons n’est pas illégal ». Elle affirme par ailleurs que tout cela serait un « complot » dirigé contre elle.
« On ne sait jamais dans quel état va être la façade »
À la barre, Monsieur M. revient sur les désagréments subis : « Il y a eu plusieurs mains courantes en 2025. Ça s’est arrêté il y a une semaine. Le quartier revit ». Il évoque les relations tendues avec la prévenue, les interventions fréquentes des forces de l’ordre et l’impact sur son activité professionnelle : « Je n’en reviens pas de voir qu’une personne pareille déstabilise toute une communauté. Parfois, quand j’arrive le matin, on ne sait pas dans quel état va être la façade. Ma façade, c’est mon outil de travail. Je ne peux pas concevoir que cette personne m’empêche de travailler sereinement. Je suis le seul à venir aujourd’hui, mais je ne suis pas un cas isolé. »
Le président souligne que les photos présentes dans le dossier montrent clairement des traces de bouillie autour du commerce et des signes concrets de dégradation : « Si vous voulez mettre de la bouillie, vous la mettez chez vous. Mais pas sur la voie publique. Elle ne vous appartient pas. Le trottoir ne vous appartient pas, la voie publique est réglementée. Vous ne faites pas ce que vous voulez », lui indique-t-il.
Le procureur, à son tour, souligne la difficulté de communication avec la prévenue, qui selon lui, ne perçoit pas la portée de ses actes. Il évoque une altération possible du discernement, tout en rappelant que ces infractions relèvent uniquement du cadre contraventionnel et ajoute : « je comprends le désarroi de Monsieur M. lorsqu’il voit sa façade polluée de cette manière-là. »
Avant la clôture des débats, la prévenue s’exprime une dernière fois. Elle conteste la version du plaignant et nie toute responsabilité dans l’état de la façade : « Les oiseaux n’ont pas sali sa façade. Sa façade est noire, parce que les chiens ont uriné. Tout est souillé par l’urine des chiens. Il a souillé les vitres de mes fenêtres avec des œufs, et cela dure depuis 2024. Mes peines ne sont jamais prises en compte. Lui raconte n’importe quoi, des choses qui ne sont pas vraies. Et ces contraventions sont totalement illégales. »
Monsieur M. a souhaité se constituer partie civile et a demandé 2 500 € de dommages et intérêts, dont 500 € au titre du préjudice moral, pour pouvoir repeindre la façade de son commerce.
Après délibération, le tribunal déclare la prévenue coupable de l’ensemble des faits. Elle est condamnée à cinq amendes contraventionnelles de 300 €, ainsi qu’à deux amendes de 200 €. Sur le plan civil, elle est condamnée à verser 2 500 € de dommages et intérêts à Monsieur M.