Posidonie : que faire de ces plantes qui envahissent nos plages ?

Chaque hiver, les plages de la Côte d’Azur se couvrent d’amas bruns. Ces feuilles mortes de posidonie agacent souvent les touristes. Pourtant, elles cachent un potentiel insoupçonné.
On la confond souvent avec une algue et pourtant, la posidonie est une plante à fleurs, enracinée dans les fonds marins de la Méditerranée. Avec ses longues feuilles vertes, ses tiges et ses racines ancrées dans le sable, elle forme d’immenses herbiers sous-marins qui ondulent au rythme des courants. Ces prairies marines, discrètes mais vitales, abritent une biodiversité foisonnante : poissons, crustacés, mollusques y trouvent refuge et grandissent à l’abri des prédateurs.
La posidonie purifie aussi l’eau, freine l’érosion des plages en stabilisant les fonds. Elle capte de grandes quantités de carbone, bien plus que les forêts terrestres. C’est un véritable pilier de l’équilibre écologique méditerranéen, souvent invisible mais absolument essentiel. La posidonie produit de l’oxygène : entre 14 et 20 litres par mètre carré chaque jour. Les scientifiques l’appellent le « poumon de la Méditerranée ».

Mais cette plante, bien que protégée, est aujourd’hui menacée par l’activité humaine : pollution, mouillages sauvages, aménagements littoraux, réchauffement climatique… autant de pressions qui mettent en péril cet écosystème essentiel. Comme toutes les plantes, la posidonie renouvelle ses feuilles. Celles qui tombent brunissent, se détachent, puis sont transportées par les courants jusqu’au littoral. Elles forment sur les plages des banquettes de posidonie, c’est-à-dire des accumulations naturelles qui peuvent surprendre les visiteurs.
L’AMPN (Association Monégasque pour la Protection de la Nature) joue un rôle clé dans la préservation de la posidonie en Principauté. Dès 1976, elle a créé l’Aire Marine Protégée du Larvotto pour protéger le seul herbier de posidonie monégasque, essentiel à la biodiversité marine. Depuis 2021, sous l’impulsion du Dr Heike Molenaar, l’association mène un programme de bouturage expérimental visant à restaurer une zone dégradée de l’herbier. Les résultats sont prometteurs. En 2024, la densité des plantes y a augmenté de 20 % et la méthode testée à Monaco s’est révélée la plus efficace dans une étude comparative menée à l’échelle méditerranéenne. La campagne de suivi 2025 compte permettre de confirmer ces progrès, dans un programme soutenu par le Gouvernement Princier.
De la posidonie aux produits du quotidien

Ces plantes marines peuvent aussi, de manière plus inattendue, être utilisées à des fins pratiques et innovantes.
C’est le pari tenté par la brasserie artisanale Branao, qui vient de lancer « Posidonia », la première bière commerciale à base de posidonie. Cette innovation naît d’une collaboration entre la brasserie et la commune de Beaulieu-sur-Mer. Eric Dutilleul et Georges Compère, les maîtres brasseurs, ont développé pendant dix-huit mois une recette associant farine de posidonie et pépins d’olives grillés. Ils ont découvert que les feuilles séchées et torréfiées dégagent des notes subtiles d’iode et de noisette. Le processus de fabrication nécessite plusieurs étapes. Après dessalage et séchage, la posidonie est torréfiée pour développer ses arômes et les pépins d’olives apportent des notes de caramel et de bois toasté. La commune participe directement à l’approvisionnement. La première récolte 2025 a démarré en janvier avec l’aide du tractopelle municipal. Cette démarche officialise la valorisation des banquettes naturelles, afin de transformer ces plantes échouées en matière première locale. Le résultat donne une bière blonde aux reflets ambrés. Cette boisson est désormais disponible chez les cafetiers de Beaulieu et à l’office du tourisme. Des dégustations gratuites sont organisées pour les résidents sur inscription. Cette initiative a ouvert la voie à de nouvelles expérimentations. La brasserie teste actuellement d’autres formulations pour développer sa gamme.

L’industrie textile utilise également cette plante de manière symbolique. Des marques comme Posidonie développent des maillots de bain à partir de « filets de pêche recyclés », permettant d’« économiser de l’eau et de réduire jusqu’à 80% les émissions de CO2 », précise la marque. D’autres secteurs explorent aussi son potentiel : l’isolation thermique, l’agriculture pour le compostage et l’amendement des sols, ou encore le design pour la création de papier recyclé et d’objets décoratifs.
Cette diversification soulève toutefois des questions réglementaires : la posidonie étant « une espèce protégée », toute valorisation nécessite « l’obtention d’une dérogation des services de l’Etat », rappelle le GIS Posidonie. Seules les accumulations naturellement échouées peuvent être exploitées, afin de préserver l’équilibre des écosystèmes marins méditerranéens.