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Reportage

Dans l’écrin du Palais Princier, Tianyi Lu dirige l’OPMC pour un concert chargé d’émotions

Tianyi Lu lors du concert au Palais Princier ce dimanche 3 août © Michaël Alesi - Palais Princier
Tianyi Lu lors du concert au Palais Princier ce dimanche 3 août © Michaël Alesi - Palais Princier

Dimanche soir, l’alchimie entre une cheffe d’orchestre en quête d’authenticité et des musiciens en parfaite communion a offert un moment d’émotion rare dans l’écrin prestigieux du Palais princier. Nous avions rencontré Tianyi Lu la veille lors de la répétition générale.

Samedi 2 août. 21h15. Au rythme du Concerto pour piano n° 4 en sol majeur de Beethoven, le soleil termine sa lente disparition derrière la montagne de la Tête de Chien. Sous l’œil attentif de la cheffe d’orchestre, Tianyi Lu, le pianiste Georgijs Osokins fait courir ses mains sur le premier mouvement, l’Allegro moderato. Pour cette dernière répétition générale du concert que l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo s’apprête à donner le lendemain soir, dimanche 3 août, dans la cour d’honneur du Palais princier, le ciel semble s’être mis aux couleurs de l’événement. Au-dessus des têtes des musiciens – concentrés depuis plus d’une heure sur leurs partitions – le bleu foncé, strié de nuages roses, fait écho aux teintes ocre et corail du palais.

La cheffe d'orchestre reprend plusieurs mesures avec les musiciens © Benjamin Godart - Monaco Tribune
La cheffe d’orchestre reprend plusieurs mesures avec les musiciens © Benjamin Godart – Monaco Tribune

Lorsque Tianyi Lu donne des indications de jeu et d’intention aux violonistes, aux cuivres et aux percussionnistes, c’est toujours avec une énergie canalisée et un sourire non dissimulé. Après plusieurs ajustements sur La mort de Tybalt de Prokofiev, quelques « Don’t rush ! » et interjections rythmées lancées aux musiciens – dont les chefs d’orchestre ont le secret – la jeune Néo-Zélandaise de 35 ans s’apprête à se reposer avant le rendez-vous du lendemain. « Pourriez-vous stabiliser mon pupitre avec des sacs de sable, par exemple ? Je suis très énergique lorsque je dirige, et cela le fait tanguer », lance-t-elle aux techniciens, le regard rieur.

© Benjamin Godart – Monaco Tribune

L’art de la retenue

« J’ai toujours voulu venir ici, à Monaco. C’est une chance de diriger dans ce cadre unique », confie la cheffe d’orchestre, fraîchement débarquée sur la Côte d’Azur avec sa famille pour l’occasion. « Ce soir, je n’ai pas beaucoup répété, contrairement à ce matin où je suis entrée dans les détails », explique-t-elle après la répétition générale, encore habitée par l’intensité des œuvres qu’elle vient de diriger. Cette économie de gestes n’est pas un hasard. Forte de seize années d’expérience professionnelle, Tianyi Lu a développé une approche holistique de la direction d’orchestre : « Il faut toujours être conscient du niveau d’énergie dans la salle, savoir comment rythmer la répétition et, idéalement, comment atteindre le summum lors du concert. »

Les musiciens sont venus accompagnés de leurs proches qui ont assisté à la répétition générale © Benjamin Godart - Monaco Tribune
Les musiciens sont venus accompagnés de leurs proches qui ont assisté à la répétition générale © Benjamin Godart – Monaco Tribune

Alchimie avec l’OPMC

Cette philosophie prend tout son sens quand on sait que les musiciens monégasques sortaient d’un premier concert donné jeudi avec Charles Dutoit, dans la cour du Palais. La rapidité d’adaptation dont fait preuve Tianyi Lu force l’admiration. Elle n’a rencontré l’orchestre que vendredi, pour une longue session de répétition de quatre heures, soit moins de 48 heures avant le concert. « Je me sens déjà très proche d’eux », avoue-t-elle, visiblement conquise par l’esprit de l’ensemble monégasque. « Ils ont trouvé un excellent équilibre entre concentration, sympathie et détente », analyse-t-elle, soulignant la rareté de cette alchimie dans le milieu orchestral.

© Benjamin Godart – Monaco Tribune

Cette connexion instantanée s’explique peut-être par l’approche particulière de la jeune cheffe : « Dans la musique, j’essaie toujours de mettre de côté mon histoire personnelle et de vraiment comprendre ce que le compositeur a voulu retranscrire. Diriger, c’est avant tout une question de relations et de connexion avec les gens. » Une philosophie qui transparaît dans ses gestes mesurés et son sourire constant face aux musiciens.

Les amours impossibles, de Beethoven à Prokofiev

Le programme de ce concert dominical explore le thème des amours impossibles à travers trois œuvres majeures : l’Ouverture de Coriolan de Beethoven, avec sa puissance dramatique, suivie du Concerto pour piano n° 4 interprété par le Letton Georgijs Osokins. La soirée se clôt sur des extraits de Roméo et Juliette de Prokofiev. « L’œuvre de Roméo et Juliette résonne particulièrement en moi », confie Tianyi Lu, évoquant la chorégraphie de Kenneth MacMillan où « à la fin, Roméo soulève son corps inerte. J’ai beaucoup pleuré. » Cette émotion brute, elle ne cherche pas à la dissimuler : « Quand vous êtes sur le podium, vous pouvez essayer de vous cacher, mais vous êtes à nu. L’orchestre voit tout. »

Tianyi Liu- pianiste Georgijs Osokins-OPMC
« Il y a une fluidité qui rend cette œuvre de Beethoven si difficile, car il faut à la fois de la structure et de la souplesse. Je la compare en cela aux arts martiaux », explique la cheffe © Benjamin Godart – Monaco Tribune

Admiration et gratitude

Au-delà de la technique, c’est une vision profondément humaniste de la direction d’orchestre que défend la musicienne : « Il faut de l’admiration et de la gratitude. J’essaie de m’émerveiller, d’être reconnaissante, de me mettre au service des musiciens et du public, car dès qu’on se concentre sur soi-même, on devient nerveux. Et la nervosité est le signe que l’ego prend le dessus. »

« Les grands leaders servent, martèle-t-elle. Si vous servez et si vous prenez vraiment soin des autres, ils brilleront. » Une leçon que Tianyi Lu espère faire résonner chez son public – et bien au-delà des salles de concert – dans une époque troublée par les tensions et les conflits mondiaux.

Dimanche soir, sous les étoiles de la Principauté, cette alchimie entre une cheffe d’orchestre en quête d’authenticité et des musiciens en parfaite communion a offert un moment d’émotion rare dans l’écrin prestigieux du Palais Princier. Le dernier rendez-vous estival aura lieu jeudi 7 août, sous la direction du jeune chef autrichien Emmanuel Tjeknavorian, accompagné du violoniste arménien Sergey Khachatryan. La Mephisto-Valse n°1 de Liszt, le célèbre Concerto pour violon en sol mineur de Bruch, Till l’Espièglede Richard Strauss et l’incontournable Beau Danube bleu de Johann Strauss clôtureront cette édition 2025 en beauté.