Le Gemluc, cinquante ans de combat contre le cancer à Monaco
Fondée en 1973, la plus ancienne association monégasque de lutte contre le cancer conjugue tradition philanthropique et innovation médicale, portée par un legs exceptionnel et des ambitions internationales renouvelées.
Dans les locaux du Centre scientifique de Monaco (CSM), François-Jean Brych écoute attentivement les explications du docteur Vincent Picco, directeur de recherche et responsable de l’unité de recherche en cancérologie au CSM. Le Gemluc vient de financer deux recherches de doctorants sur l’amélioration des traitements des tumeurs cérébrales agressives. Avec ce dernier investissement en date de 340 000 euros couvrant la période 2023 – 2027 auprès du CSM – portant à plus d’un million d’euro ce soutien financier au centre scientifique depuis 2016 – l’association s’inscrit dans sa longue tradition philanthropique en Principauté. « Fondé en 1973 avec le soutien de la Princesse Grace, le Gemluc est la plus vieille association dans la lutte contre le cancer à Monaco », nous raconte François-Jean Brych, son président actuel, expert-comptable de profession qui dirige l’organisation depuis plusieurs décennies.

Une longévité qui n’est pas le fruit du hasard car l’association bénéficie toujours du soutien de la Famille Princière. Depuis la disparition de la princesse Grace en 1982, c’est sa fille, la Princesse Caroline de Hanovre, qui perpétue cet engagement en tant que présidente d’honneur. « Elle nous a toujours soutenus de façon extraordinaire », confie François-Jean Brych, avant d’ajouter avec une pointe d’émotion : « Même lorsque l’association connaît des hauts et des bas, elle est toujours à nos côtés. »
L’héritage de la princesse Grace
Dans le paysage des associations monégasques, le Gemluc cultive sa singularité. « L’intégralité des dons est reversée », martèle son président. Pas un centime ne part dans les frais généraux, tous pris en charge par les membres du conseil d’administration. « Nous sommes tous bénévoles, c’est notre marque de fabrique. » Une transparence qui séduit les donateurs monégasques, habitués pourtant aux sollicitations multiples.
Le vice-président de l’association, le docteur Benoît Paulmier, s’assure même de la validation d’un comité scientifique pour les projets soutenus. Un moyen là encore de traduire chaque euro dépensé dans des résultats concrets.

Cette rigueur dans la gestion a d’ailleurs convaincu Richard Pollock, architecte britannique installé à Monaco, de léguer à sa mort 4,5 millions d’euros à l’association le 15 janvier 2015. Un geste qui a permis de créer la Fondation Gemluc-Pollock et d’assurer l’avenir de l’organisation avec un fond de réserve. François-Jean Brych ne cache pas sa fierté : « Malgré mon âge vénérable, je peux vous assurer que dans vingt ans, le Gemluc sera encore là. »
Des actions concrètes contre la maladie
Au CHPG, certains équipements financés par l’association ont changé la donne. Il y a une dizaine d’année, le service de gastro-entérologie du docteur Patrick Rampal – ancien président du CSM – s’est vu doter d’un microscope confocal. « Personne ne voulait le financer », se souvient François-Jean Brych. « Nous l’avons fait, et vous savez quoi ? Aujourd’hui, le monde entier vient se former ici. » Une fierté légitime pour cet investissement qui a contribué à placer un peu plus Monaco sur la carte mondiale de l’innovation médicale.
Mais l’association ne se contente pas des succès passés. En témoigne ce récent investissement auprès du CSM, résolument tourné sur l’avenir incarné par les jeunes générations de chercheurs. L’objectif des deux doctorants soutenus : rendre les cellules cancéreuses plus sensibles à la radiothérapie. Une piste qui pourrait révolutionner les traitements. « Aujourd’hui, pratiquement chaque famille est touchée par le cancer. Ce qui n’était pas le cas lorsque j’ai débuté en 1978 », rappelle le président du conseil d’administration du Gemluc.

L’humain au cœur de l’action
Derrière les chiffres et les équipements de pointe se trouvent aussi des histoires humaines. Celles de patients qui ne peuvent pas se permettre un séquençage génétique à 1 500 euros, pourtant crucial pour personnaliser leur traitement rendant chimiothérapie ou immunothérapie plus ciblées et efficaces. Depuis 2024, le Gemluc finance effectivement en partie les tests génétiques prescrits au CHPG pour adapter les traitements contre le cancer. « Nous apportons 100.000 euros pour élargir l’accès à ces analyses, ramenant leur coût à environ 1.000 euros », explique François-Jean Brych.
Sollicité par une autre association, Écoute Cancer Réconfort, le Gemluc a récemment franchi un nouveau cap en finançant un système de reconstruction mammaire en 3D. « Pouvoir dire à une femme qu’elle retrouvera le même sein qu’avant la maladie, en plus jeune… coûte 4 000 euros par patiente, mais notre conseil d’administration n’a pas hésité une seconde. » Dans la voix de François-Jean Brych perce une émotion contenue, celle d’un homme qui mesure l’impact concret de ces décisions.
Monaco-Dubaï : un pont contre le cancer
À l’internationale, l’Exposition universelle de Dubaï en 2020 a ouvert des perspectives inattendues. Grâce au docteur Paulmier, un partenariat triennal avec l’université de Dubaï a vu le jour. « Ces échanges sont très importants et très intéressants pour l’avenir », s’enthousiasme François-Jean Brych, qui voit dans cette collaboration une nouvelle façon de faire avancer la recherche au-delà des frontières monégasques.
Cette ouverture ne s’arrête pas là. L’association rêve de relancer la Fédération internationale des entreprises dans la lutte contre le cancer (Fieluc), endormie depuis plusieurs années. « Il faut la remettre en chantier. Nous allons intégrer la France, l’Italie, et ce sera un tremplin pour l’Amérique ! » Un projet ambitieux qui témoigne de la vitalité retrouvée de l’association.

La soirée de l’Espoir, un rendez-vous annuel
Chaque année, le même rituel se répète pour réunir les donateurs. François-Jean Brych avoue avec un sourire : « J’ai toujours un peu peur car il faut tout de même parvenir à réunir 400 personnes » Mais le 8 novembre dernier, comme à chaque édition, la soirée de l’Espoir a fait salle comble. La princesse de Hanovre était présente, fidèle au rendez-vous. Rendez-vous pris cette année le 6 novembre.
Le monde du sport monégasque n’est pas en reste. Le prince Albert II a personnellement remis un chèque de 37 204 euros après la finale du Rolex Monte-Carlo Masters 2025, tandis que Mélanie-Antoinette de Massy, à la tête de la Fédération monégasque de tennis, multiplie les initiatives pour soutenir l’association.

Passer le flambeau
À désormais 73 ans, François-Jean Brych pense à l’après. « Ma priorité, c’est de transmettre le Gemluc à une jeunesse aussi passionnée que nous l’avons été. » Le docteur Benoît Paulmier, vice-président, incarne déjà cette relève. Entre tradition et modernité, l’association cherche son équilibre pour les décennies à venir.
Quand on lui demande pourquoi il reste fidèle à la cause du cancer alors qu’il aurait pu, avec ses problèmes cardiaques, se tourner vers d’autres combats, François-Jean Brych répond simplement : « Je suis toujours resté convaincu de l’utilité de notre mission ». Une fidélité qui résume cinquante ans d’engagement, entre victoires médicales et histoires humaines, dans cette Principauté où la philanthropie n’est pas qu’un mot, mais une tradition vivante.











