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Interview

Joël Bouzou (Peace and Sport) : « Le sport est un vecteur pour promouvoir l’égalité des chances »

Joël Bouzou, président et fondateur de Peace and Sport
Joël Bouzou, président et fondateur de Peace and Sport

Président-Fondateur de Peace and Sport, « L’Organisation pour la Paix par le Sport » basée à Monaco et fondée en 2007, Joël Bouzou s’est longuement confié pour Monaco Tribune sur l’Organisation et le contexte actuel.

« Aujourd’hui, le monde est global. Je pense que la notion d’équité véhiculée par le sport est de plus en plus importante. On voit que les maladies des pauvres touchent aussi les riches. Le coronavirus ne fait pas la différence entre les deux. Il est donc nécessaire de s’occuper de tous pour préserver notre planète. » Le combat mené par Joël Bouzou depuis de nombreuses années ne cesse de grandir. Pleinement engagé à travers le sport pour maintenir la paix dans le monde, le Président Fondateur de Peace and Sport, médaillé olympique et champion du monde en 1987 de pentathlon moderne, a pris le soin de s’exprimer, malgré la période compliquée que nous traversons. Extraits.

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Joël, expliquez-nous comment le sport, au sens large, peut-il être vecteur de paix et de prospérité ?

Nous utilisons les valeurs du sport comme outil. Ce qui nous intéresse, c’est la relation d’équité. Tout le monde parle d’égalité, mais elle n’existe pas. Ce qui est fabuleux dans le sport, c’est qu’il y a l’égalité devant la règle et donc l’équité. Le sport est un vecteur pour promouvoir l’égalité des chances. On ne brille pas dans le sport par sa naissance, mais en actualisant son potentiel et en respectant les règles. Ce concept est fondamental quand nous parlons de zones d’extrême pauvreté. L’équité du sport favorise l’accès à la dignité pour les plus pauvres. Mais la dignité n’est pas quelque chose que l’on plaque sur les gens ou qu’on leur reconnaît. Il faut pouvoir l’exercer, la développer  à l’intérieur de soi, pour y accéder. Le sport permet, dans son essence la plus simple et essentielle, de permettre l’accès à la dignité pour chacun. Ainsi, la pauvreté n’est pas l’absence de dignité.

Nous avons explosé le record de gens qui reconnaissent le sport comme moyen de paix et qui se mobilisent pour ça

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Comment Peace and Sport s’est réinventée pendant la crise sanitaire et économique liée à la pandémie de Covid-19 ?

En décembre dernier, lors du Forum international bisannuel à Monaco, nous avons lancé une application digitale mondiale de paix et d’enseignement par le sport, téléchargeable sur mobile et valable dans le monde entier. Le fait d’avoir déjà réalisé tout ce travail digital en amont nous a permis d’être beaucoup plus efficace pendant la période du confinement, sachant que les gens ne pouvaient pas se réunir en groupe. Nous avons formé pendant cette période des éducateurs, grâce à cette application, en transmettant du savoir par l’intermédiaire de formations sans les avoir physiquement présents. Le deuxième point important est le succès de l’opération Carton Blanc #WhiteCard. Quand les rassemblements étaient possibles, et l’an dernier en particulier, nous avions établi un record de 98 millions de personnes touchées. Cette année, malgré la période difficile et le fait que les gens ne pouvaient pas se déplacer, nous sommes arrivés à 117 millions. Nous avons explosé le record de gens qui reconnaissent le sport comme moyen de paix et qui se mobilisent pour ça, notamment par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Cette réussite nous remplit d’espoir car elle démontre que les efforts que nous avons fournis pendant des années sont couronnés de succès grâce à cette opération.

Didier Drogba, vice-président de Peace and Sport, lors de l’opération Carton Blanc

La crise économique peut-elle bouleverser cet équilibre ?

Depuis sept ans, nous capitalisons sur ce que l’on appelle « Sport Simple ». Nous avons développé un travail avec cinquante fédérations internationales pour développer des solutions peu chères, qui peuvent être réalisées avec des matériaux recyclés ou des matériaux de rebut. On peut faire des rings de boxe avec des pneus et des cordes. Nous avons imaginé tout un savoir pour pratiquer du sport même avec des ressources très limitées. Est-ce que la pratique du sport va être plus difficile parce qu’il y aura moins de moyens ? Certainement pour les sports très sophistiqués, et ce pendant un certain temps. Mais pour le sport simple, je ne pense pas. Il faudra choisir des activités appropriées pour que tout ce qui touche à la citoyenneté par le sport, à l’accès à la dignité, à la cohésion sociale, puisse être toujours possible par le sport. Nous travaillons avec un certain nombre de gouvernements sur cette question. Nous aurons d’ailleurs un Forum international à Medellín, en Colombie, fin 2021, qui sera spécialisé sur tout ce qui touche aux sports simples et au digital. N’oublions pas que le sport n’est pas seulement de la gestualité ou de l’occupation du temps libre, mais avant tout de la santé par l’activité physique et surtout pour ce qui nous intéresse au plus haut point, un vecteur de cohésion et de rapprochement des communautés. À ce titre, le sport mérite vraiment des investissements, surtout lorsque l’on trouve des solutions peu onéreuses.

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Les donateurs sont-ils toujours autant présents et aussi nombreux ?

C’est toujours difficile mais je suis très heureux que l’un de nos partenaires qui devait resigner en ce moment, et que l’on a depuis une dizaine d’années, vient de resigner pour cinq ans. Ça m’a donné beaucoup de soucis pendant un certain temps. Mais nous avons déjà une assurance. Nous travaillons toujours pour trouver des moyens supplémentaires et augmenter la capacité d’actions de l’organisation. Je remercie aussi le Gouvernement Princier pour son soutien.

Peace and Sport organise de nombreuses opérations à travers le monde

Quels sont les grands projets en cours de Peace and Sport et les projets futurs ?

Nous avons toujours le concept des Jeux de  l’Amitié qui se déroulent dans les Grands Lacs d’Afrique. L’objectif est d’arriver à monter ce genre de concept sur d’autres continents. Pour ça, il nous faut développer les contacts avec les gouvernements, les comités nationaux olympiques, les fédérations Nationales et internationales. Il faut aussi pouvoir se réunir avec eux lors de nos Forums annuels. Nous avons également le développement de l’application digitale, un chantier mondial. L’outil principal que nous utilisons jusqu’ici est le football car il peut se pratiquer dans le monde entier de façon simple. Mais nous tendons à évoluer vers un département rugby également, notamment par le biais de Siya Kolisi (capitaine de l’équipe d’Afrique du Sud, championne du monde en 2019) qui est l’un de nos Champions de la Paix.

L’objectif est de raccrocher des jeunes qui sont perdus dans la société au monde du travail, en utilisant le sport pour cela

Justement, pouvez-vous nous parler du rôle que jouent les Champions de la Paix, de plus en plus nombreux au fil des années ?

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Nos Champions de la Paix sont de plus en plus impliqués. Nos opérations avec eux sont plus spécialisées qu’avant, en fonction de leur sport. Certains ont une grande notoriété, d’autres un peu moins, mais ce qui est important pour nous, c’est leurs capacités à influencer les jeunes dans les communautés. Un champion qui parle à des jeunes dans une région est aussi important qu’un champion international qui peut parler à un pays. Aujourd’hui, nous comptons plus d’une centaine de Champions de la Paix, qui nous aident à développer nos initiatives ou qui apportent leurs propres projets. Au Mali, par exemple, nous avons une opération caravane de la paix faite avec l’une de nos championnes de taekwondo, Marlène Harnois. C’est un projet que l’on avait élaboré il y a très longtemps, qu’elle a repris et modernisé et que nous avons soutenu. Nous avons aussi une application avec le kayakiste Benjamin Boukpeti sur les ateliers sportifs, une opération qui grossit en France. L’objectif est de raccrocher des jeunes qui sont perdus dans la société au monde du travail, en utilisant le sport pour cela. L’objectif est de restructurer l’estime de soi, la relation au temps, aux autres. On s’est aperçu qu’en France, il y avait beaucoup d’agent disponible pour les formations, mais qu’il était souvent mal utilisé. Des jeunes décrochent souvent parce qu’ils ne sont pas prêts humainement pour se raccrocher au groupe. Les fonds disponibles pour ces formations sont souvent perdus car il y a énormément d’échec. Avec ces ateliers, nous arrivons à les raccrocher à la notion de groupe et d’objectif. Nous rencontrons des succès importants grâce à ces opérations, que nous aimerions d’ailleurs ensuite exporter à l’étranger.

De nombreux programmes sont orchestrés par Peace and Sport

Comment sont-ils sélectionnés pour faire partie de vos programmes ?

Les Champions de la Paix sont avant tout des exemples. Ce sont un peu des donneurs d’ordres, car ils sont médiatisés. Siya Kolisi, avec le rugby, touche une grande communauté. Didier Drogba, qui est désormais Vice-Président de Peace and Sport, a une influence énorme. Il est en mesure de faire de la représentation auprès d’un gouvernement pour expliquer à des leaders gouvernementaux que le sport n’est pas seulement un produit de luxe, mais aussi et surtout un investissement pour la cohésion nationale. Didier Drogba a participé au processus de paix de façon concrète, en remettant de la cohésion dans son pays, en Côte d’Ivoire. Il a une immense influence, sur laquelle nous devons capitaliser. Nous avons les opérations sur le terrain mais aussi des opérations diplomatiques, comme nous l’avons fait à Chypre. Nous avons la crédibilité de la neutralité, grâce à Monaco, et cette capacité d’être écoutés et de parler à tout le monde. L’objectif est de travailler sur la paix sans juger quiconque, mais seulement en créant du mieux vivre ensemble partout où nous passons. Nous avons cette crédibilité grâce à notre ancrage en Principauté de Monaco et au Prince Souverain, qui est un exemple partout dans le monde avec son parcours de sportif Olympien.

Quelle influence ont la Principauté et le Prince Albert sur Peace and Sport et inversement ?

Je trouve que c’est un modèle, un champion de l’équité, quelqu’un qui connait le sport de l’intérieur. Ce n’est pas seulement un sportif dans son sport. Il a essayé presque toutes les disciplines. Il a même pratiqué le pentathlon en équipe avec moi (sourire). Il sait très bien par exemple que monter un cheval après avoir concouru en escrime et en natation la même journée, ce n’est pas pareil que monter un cheval quand on est frais le matin. Il a cette crédibilité, notamment en étant membre du CIO. Nous échangeons donc beaucoup à propos de Peace and Sport, qui, je pense, peut aussi aider à la promotion de la neutralité de Monaco. C’est un vecteur qui peut être intéressant sur le plan diplomatique. Nous puisons également beaucoup de ressources dans l’influence que peut avoir le Souverain au niveau international, et cette crédibilité de pouvoir parler avec tout le monde.

Siya Kolisi a reçu le Peace and Sport Award du « Champion de l’année » 2019

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