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Récit

Bateaux électriques : et si le plaisir était de naviguer autrement ?

Le MODX 70 est un catamaran à propulsion 100 % électrique, conçu par le Yacht Club de Monaco, équipé d'une pile à hydrogène, qui sert aux comités de course et comme base d'observation pour le sanctuaire Pelagos © Maeva Bardy

Lors d’un dîner-conférence aux Jeudis de la Villa Ephrussi de Rothschild le 20 novembre, Guillaume Jacquet-Lagrèze, entrepreneur et membre de l’Association française pour le bateau électrique (AFBE), a dressé un panorama des innovations qui transforment la navigation de plaisance sur la Côte d’Azur.

« La plaisance en bateau électrique, ce n’est pas qu’une question de propulsion et de vitesse, c’est aussi un nouvel usage », a déclaré d’emblée Guillaume Jacquet-Lagrèze devant les convives réunis dans le patio du restaurant Béatrice de la villa surplombant la Méditerranée. Installé à Beaulieu-sur-Mer depuis dix ans, où il propose des excursions en bateau à panneaux solaires, cet entrepreneur a accueilli plus de 17 000 visiteurs et parcouru 17 000 kilomètres sans jamais recharger ses batteries sur le réseau électrique.

Une plaisance en quête de renouveau

Le constat de départ est sans appel : la plaisance traditionnelle s’essouffle. L’âge moyen des plaisanciers s désormais la cinquantaine et le temps d’utilisation des bateaux reste modeste. Selon la Fédération des Industries Nautiques (FIN), un bateau ne sort en moyenne que 20 à 25 fois par an. Les immatriculations de bateaux neufs ont chuté de 25,5 % depuis 2018-2019, tandis que « les files d’attente dans les ports commencent à diminuer sur certaines côtes, comme c’est le cas ici à Beaulieu », observe Guillaume Jacquet-Lagrèze.

Paradoxalement, l’attrait pour la mer ne faiblit pas : près de 100 000 permis bateau sont délivrés chaque année en France, contre 50 à 70 000 au début des années 2010. « Les personnes sont davantage en quête d’expériences que de propriété et ils ont tendance à s’orienter vers le locatif », explique le dirigeant de l’entreprise SeaZen en pointant de nouvelles attentes pour la plaisance.

Un exemple de bateau à foil © unsplash
Un exemple de bateau à foil © unsplash

Sur le plan environnemental, si l’impact de la plaisance sur les émissions carbones reste marginal par rapport à d’autres secteurs et industries, deux enjeux environnementaux méritent aujourd’hui une attention particulière. Les ancres endommagent les herbiers de posidonie, ces prairies sous-marines qui mettent un siècle à pousser d’un mètre. Et surtout, « le bruit sous-marin affecte l’ensemble des espèces marines, des cétacés jusqu’aux plantes sous-marines ». Deux défis que l’électrique s’efforce aussi d’adresser.

L’innovation au service de l’efficience

Face à la difficulté de stocker suffisamment d’énergie pour égaler l’autonomie des moteurs thermiques, les constructeurs de bateaux électriques rivalisent d’ingéniosité. Les foils, ces ailes immergées qui soulèvent la coque hors de l’eau, permettent d’économiser jusqu’à 40 % d’énergie tout en offrant un confort de navigation silencieux au-dessus des vagues : « Il existe ce qu’on appelle l’effet de sol. Avec une certaine vitesse, le bateau se soulève grâce à l’effet d’un coussin d’air qui se forme entre la coque l’eau ». Monaco accueille d’ailleurs depuis juillet 2024 des compétitions de bateaux électriques à foils, avec désormais sa propre équipe engagée sur le circuit mondial.

L’énergie solaire représente aussi une autre voie prometteuse : la surface importante des catamarans permet par exemple d’installer suffisamment de panneaux pour atteindre l’autonomie énergétique. Certains modèles disposent même de flancs repliables qui se déploient en mer pour maximiser la captation solaire.

Repenser ses habitudes de navigation

Mais c’est bel et bien sur la question des usages que s’orientent aujourd’hui les réflexions de la plaisance. « Tout le monde veut acheter un bateau pour aller en Corse, mais qui y va réellement ? Moins de 20 % des propriétaires », lance Guillaume Jacquet-Lagrèze à son audience maralpine avec un sourire. Dans 80 % des cas donc selon lui, le plaisir se trouve bien plus près : une navigation d’une heure, un mouillage devant une plage, un moment de déconnexion.

Le bateau de SeaZen fonctionnant uniquement à l'énergie solaire © Monaco Tribune – sundaria_art
Le bateau de SeaZen fonctionnant uniquement à l’énergie solaire © Monaco Tribune – sundaria_art

Cette proximité ouvre des possibilités inédites avec des navires électriques moins rapides et centrés sur l’expérience utilisateur. « À trois nœuds, assis à l’avant avec les pieds dans l’eau, les passagers sont hypnotisés. Ils ne bougent plus », témoigne l’entrepreneur qui propose cette expérience à la location avec SeaZen. Mieux encore : naviguer lentement permet de dîner à bord sans subir les gaz d’échappement d’un moteur thermique, transformant le bateau en terrasse flottante.

La Côte d’Azur pionnière

« Notre région est le véritable berceau mondial de la plaisance douce », achève le membre de l’AFBE. Un titre que les acteurs du pourtour méditerranéen s’emploient à mériter. Avec en figure de proue, Monaco, engagé dans la protection du sanctuaire Pelagos et travaillant activement depuis 2014 à la recherche de propulsions alternatives. Mais aussi la ville de Nice, dans laquelle s’est tenue en 2025 la conférence des Nations Unies sur l’océan et qui accueillera prochainement le salon Nice Boating Tomorrow, du 19 au 22 mars 2026, tourné vers le nautisme responsable.