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Interview

Paroles d’ambassadeurs : Entre le Japon et Monaco, une vision partagée de la culture et de l’environnement 

En 1969, le Prince Rainier III désigne le premier Consul honoraire qui représente la Principauté au Japon © Image générée par IA

Exposition universelle, traditions millénaires, modernité, environnement… Didier Gamerdinger, ambassadeur de Monaco au Japon, a répondu à nos questions sur les fondements d’une amitié de plus de 50 ans entre la Principauté et l’Empire du Soleil Levant. 

Monaco Tribune : Comment caractériseriez-vous l’état actuel des relations entre Monaco et le Japon ? 

Didier Gamerdinger : Nos liens avec le Japon sont anciens. En 1969, le Prince Rainier III désigne le premier Consul honoraire qui va représenter la Principauté auprès du Japon. Cette décision est importante puisque l’année suivante, en 1970, l’Exposition universelle est organisée à Osaka.

Notre relation avec ce pays est facilitée par le fait que nous sommes deux États fonctionnant avec un système institutionnel monarchique. Le Prince Albert II et l’empereur Naruhito se connaissent. Le Prince s’est par exemple rendu à son intronisation en 2019, puis à l’ouverture des précédents Jeux Olympiques, décalés à 2021 en raison du Covid-19. Ils se sont aussi rencontrés pendant les obsèques de la Reine Elisabeth II. Lorsque j’ai présenté mes lettres de créance, en 2022, j’ai transmis à l’Empereur les souhaits respectueux et amicaux du Prince de Monaco pour sa santé, celle de sa famille et la prospérité du peuple japonais. Il m’a en retour exprimé sa gratitude envers le Prince de s’être déplacé pendant la période difficile de pandémie durant les JO. Tout ce contexte fluidifie et consolide nos relations.

L’ambassadeur de Monaco au Japon, Didier Gamerdinger © DR

En 2025, l’Exposition universelle se déroule de nouveau à Osaka. Plus d’un demi-siècle après celle de 1970, quelle importance cet évènement a-t-il ? 

Chaque année, le Département des Relations Extérieures et de la Coopération de la Principauté réunit tous les Ambassadeurs de Monaco sur deux jours dans le cadre de la Conférence diplomatique. Cette année, à cette occasion, Madame Mireille Martini, Commissaire général du Pavillon de Monaco, a réalisé un duplex depuis Osaka pour présenter nos initiatives. De mon côté, j’ai parlé à mes collègues Ambassadeurs de l’importance de participer à cette rencontre des cultures au milieu des 563 exposants. 28 millions de visiteurs sont attendus cette année avec une forte présence des Japonais, des Chinois et des Coréens du Sud. Ce sont des personnes auxquelles nous voulons présenter Monaco et expliquer les actions mises en œuvre dans le domaine de la préservation de l’environnement.

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Monaco présente son pavillon : Take Care of Wonder © Jérôme Hein Architecte & Atelier Pierre

L’objectif des Expositions universelles a toujours été de présenter une vision du futur. Impossible aujourd’hui d’imaginer un avenir durable sans considérer la place de l’environnement. Il s’agit d’une cause pour laquelle le Prince Albert II est très engagé, les Japonais partagent-ils cette conviction ?

Le Japon est à la fois une nation très industrialisée, dont l’impact négatif sur l’environnement est avéré, mais aussi une nation insulaire qui a toujours eu le souci de préserver son environnement. Culturellement, les premiers animes japonais traitaient d’ailleurs de cet aspect très indirectement, par le biais de la destruction et des monstres nés des dérèglements environnementaux.

Le symbole le plus connu c’est Godzilla, une force naturelle née de la peur du nucléaire et de son impact sur l’environnement. Un traumatisme réactualisé avec la catastrophe de Fukushima en 2011.

Tout à fait, c’est l’idée que nos actions peuvent générer des effets monstrueux et qu’il faut les éviter. C’est un peuple proche de la nature du fait de sa philosophie millénaire axée sur la contemplation des choses. C’est la raison pour laquelle les Japonais sont si admiratifs des fleurs – par l’art des ikébanas – et des jardins. Leurs temples sont imprégnés du sens du beau pour symboliser la connexion forte de la spiritualité à la nature. Le pavillon japonais de l’Exposition universelle s’articule d’ailleurs complètement autour de la protection des eaux, de la dégradation et de la transformation des plastiques. Dans le même temps, c’est un pays extrêmement moderne, à l’image de ses immeubles de grande hauteur et du Shinkansen, son réseau de trains parmi les rapides au monde. Comme pour tous les pays développés, le défi consiste à faire converger la modernité et la durabilité.

Est-ce que ce n’est pas justement cette ambivalence entre la modernité et la problématique environnementale qui rapproche les deux pays ?

Même si l’histoire de Monaco n’est pas comparable à une puissante civilisation plurimillénaire comme le Japon, nous nous ressemblons à plusieurs égards. Notre territoire change au rythme du développement économique, avec les immeubles de grande hauteur, la Tour Simona, la Tour Odéon, puis le quartier de Mareterra où nous avons gagné du terrain sur la mer. Les Japonais sont habitués à ce type de contraintes, le risque volcanique et des typhons en plus. L’Exposition universelle se trouve par exemple sur l’île artificielle de Yumeshima à Osaka. 

Le pavillon de Monaco à Osaka en 1970 © DR
Le pavillon de Monaco à Osaka en 1970 © DR

Quels domaines de coopération et d’échanges renforcent-ils les liens développés entre l’Empire du Japon et la Principauté de Monaco ?

La dimension culturelle possède un ancrage profond dans nos rapports. Les Ballets de Monte-Carlo font régulièrement des tournées au Japon, l’Orchestre Philarmonique a lui aussi joué l’an dernier au Japon. Nous avons même donné une réception avec Kazuki Yamada – qui dirigeait alors l’OPMC – dans la pure tradition japonaise, où le chef d’orchestre, explique le programme et l’état d’esprit dans lequel il souhaite donner la représentation. 

Un lien culturel qui ne va pas se perdre avec l’annonce de son départ de l’OMPC, j’imagine.

Bien évidemment, nous allons cultiver ce lien. Les Japonais sont des esthètes. La musique et la danse sont enracinées dans leur culture, ils y sont particulièrement sensibles. À l’occasion de la Journée nationale de Monaco qui se déroulera le 28 juin au Pavillon monégasque de l’Expo 2025 Osaka, une partie des animations sera portée par l’Orchestre des Carabiniers du Prince. Côté danse, la danseuse étoile Mimoza Koike des Ballets de Monte-Carlo, qui est Japonaise, fera le déplacement. Nous étudions aussi la mise en place d’une nouvelle tournée des Petits Chanteurs de Monaco l’année prochaine et allons poursuivre les échanges artistiques en lien avec l’AIAP. D’autres évènements sont aussi organisés à Monaco, notamment sous l’impulsion de l’association Monaco Friends of Japan et du Consul honoraire du Japon.

La culture sportive est également importante. Je m’entretiens régulièrement avec la Fédération japonaise d’athlétisme dans le cadre du meeting Herculis, mais aussi avec le Président de la Fédération japonaise de football. La veille de la journée nationale de Monaco, le 27 juin, les Barbagiuans rencontreront une équipe japonaise pour un match caritatif.

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© Les ballets de Monte-Carlo

Fin avril, Keisuke Shimoyamada, le Président mondial de la JCI, a rendu visite à la JCEM en Principauté à l’occasion du 110e anniversaire du réseau.  Le Ministre des Finances et de l’Économie, Pierre-André Chiappori s’est quant à lui déplacé à Tokyo le même mois. Quelles opportunités voyez-vous pour renforcer les partenariats économiques entre les deux pays ?

L’occasion va justement être saisie le 28 juin puisque le Monaco Economic Board (MEB) se rendra au Japon pour discuter de plusieurs opportunités avec la Chambre de commerce japonaise et différents partenaires économiques. La Principauté s’investit aussi beaucoup dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la nutrition et de la protection de l’enfance. Nous souhaiterions donc échanger les points de vue pour savoir si nous pouvons développer conjointement des projets avec le Japon sur certains territoires qui en ont besoin, comme en Afrique subsaharienne.

Avec M. Chiappori, nous travaillons à l’élaboration d’un document présentant d’une part un accord fiscal pour éviter la double imposition et favoriser l’échanges d’informations pour faciliter les échanges économiques entre les deux pays. L’autre volet concerne l’établissement des personnes, en facilitant la venue des Japonais et leur installation physique à Monaco. Il y a plus d’une centaine de Japonais présents aujourd’hui. Le cadre de vie monégasque et la proximité avec l’aéroport international de Nice sont des atouts indéniables pour voyager.

Une dernière question plus personnelle. Comment la culture japonaise s’invite-elle dans votre métier d’ambassadeur au quotidien ?

Lorsque j’ai pris mes fonctions, j’ai voulu apprendre la langue japonaise. Ce qui est très complexe pour nous qui avons un alphabet possédant moins de caractères, une graphie différente et moins de modifications de sens liées à l’intonation de la voix. Bien que je connaisse quelques mots et codes de politesse, avec mon professeur de japonais, nous avons remplacé cette ambition légitime par des cours de civilisation, de culture et société. Synonyme essentiel de politesse et de respect mutuel, lorsque nous échangeons nos cartes de visite professionnelles debout selon l’étiquette japonaise, je tends la mienne dans la bonne orientation, en m’inclinant légèrement tandis que mon interlocuteur me remet la sienne de la même manière. Ensuite, nous les posons sur la table, sans les ranger, avant de commencer à discuter ensemble. J’ai distribué un nombre incalculable de cartes en suivant cette coutume connue sous le nom de « meishi koukan » !