Marco Traverso, l’orfèvre des fleurs de Monaco, célèbre ses quarante ans de carrière

Dans son atelier de la Principauté, cet homme discret de 62 ans façonne depuis quarante ans des bouquets comme d’autres cisèlent des bijoux. Pour cet anniversaire, il a convié ses invités au restaurant Louis XV ce mercredi 9 juillet.
Il y a ce tablier qu’il porte « presque 24 heures sur 24 », cette voix posée qui trahit ses origines transalpines, et ce regard qui s’illumine dès qu’il évoque ses fleurs. Marco Traverso, 62 ans, règne depuis quatre décennies sur l’art floral monégasque avec la discrétion d’un orfèvre et la passion d’un amoureux de la nature.
Son histoire commence par un aveu : « J’ai commencé à partir de rien et aujourd’hui je vis pleinement de ma passion » Cette simplicité, presque déconcertante chez un homme qui a fleuri les plus grands mariages de la principauté – rien de moins que celui du Prince Albert II avec Charlène Wittstock en juillet 2011 – dit tout de sa personnalité. Fils d’exportateurs de fleurs génoises, il aurait pu suivre la voie toute tracée du commerce de gros. Mais Marco Traverso préfère le contact direct avec la matière vivante, les bourgeons, les tiges, les boutons et les pétales.
« J’ai acheté un banc de fleurs. Je n’ai pas honte de le dire, j’ai commencé comme fleuriste de marché à Monte-Carlo », raconte-t-il sans fard. Cette transparence, cette absence de pose, tranchent avec l’univers feutré des évènements monégasques où il évolue désormais. Car l’ancien marchand des quatre saisons s’est hissé au sommet de son art, devenant le confident floral des têtes couronnées, des grands chefs et des célébrités.

La cuisine et les fleurs
L’homme qui a changé sa destinée s’appelle Alain Ducasse. En 1983, le jeune chef remarque ce fleuriste autodidacte qui ne ressemble à aucun autre et lui demande de réaliser le bouquet central du Louis XV. Le début d’une longue série au Grill, à l’Hôtel de Paris puis à l’Hermitage. « J’ai appris mon métier grâce à lui, à me remettre en question tous les jours et à partager mon amour pour les fleurs », confie Marco Traverso avec cette propension à l’autocritique qui caractérise les vrais artistes.
Alain Ducasse, de son côté, n’a jamais cessé d’admirer cette alchimie rare entre le cuisinier et le fleuriste qui partagent la même exigence du détail, la même obsession de la perfection. « L’un et l’autre sont aussi des artisans de l’éphémère : sitôt préparé, un plat se déguste de la même façon qu’un bouquet, inéluctablement, se fane ».

L’art de la nuance
Dans son atelier foisonnant de l’avenue Prince-Pierre, Marco Traverso choisit ses fleurs avec sensibilité et générosité. Pour lui, la couleur est un langage universel. « Même si je n’ai pas trop recours au rouge et blanc, j’aime toutes les couleurs particulièrement les tons pastels en privilégiant toujours les couleurs de saison. »

Quarante ans plus tard, les commandes n’ont rien perdu de leur extravagance. « On nous demande des choses tellement incroyables en un temps si court que parfois on se demande pourquoi on a accepté », s’amuse-t-il. Cette folie assumée, c’est celle d’un perfectionniste qui ne sait pas dire non, même quand on lui demande l’impossible en 24 heures.
Comme cette soirée sur « le thème chinois chic » qu’il prépare actuellement, nécessitant de « trouver des lanternes » et « un tas de choses » introuvables dans la région. « Ce n’est pas évident car il faut parfois trouver des fournisseurs à Paris ou à l’étranger en un temps record ».

L’éternel recommencement
Aux côtés de Karelle, son épouse et directrice artistique, ancienne joaillière reconvertie dans l’événementiel, Marco Traverso a bâti un empire floral discret mais incontournable. Ensemble, ils ont créé l’entité « Marco Traverso & Histoires d’ours » en 1982, développant une approche qui mêle art floral et mise en scène événementielle.
Ensemble, ils incarnent cette philosophie que résume parfaitement Alain Ducasse : « Marco est un travailleur acharné. Et qui dit travailler beaucoup signifie aimer beaucoup. »

À 62 ans, celui qu’on surnomme parfois « Monsieur Marco » n’a rien perdu de sa curiosité d’enfant. « Je pense qu’il faut être passionné pour continuer à relever de nouveaux défis et se renouveler », lâche-t-il simplement. Une évidence qui, dans sa bouche, sonne comme une leçon de vie.