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Interview

Lara Terlizzi-Enza, directeur de l’Office des Émissions de Timbres-Poste : « J’ai une affection pour les timbres en taille-douce »

Lara Terlizzi
Les timbres Europa figurent parmi les plus populaires au monde, prisés par les collectionneurs © Monaco Tribune

Dans le cadre de la présentation du timbre Europa 2025, hommage à la grotte de l’Observatoire, nous avons rencontré Lara Terlizzi-Enza, directeur de l’Office des Émissions de Timbres-Poste (OETP) de Monaco.

Cet organisme occupe un rôle central dans la valorisation du patrimoine monégasque à travers la philatélie. Chaque année, l’émission Europa fédère une soixantaine de pays autour d’un thème commun choisi par PostEurop. Pour 2025, le patrimoine archéologique national est à l’honneur.

À Monaco, ce thème a donné naissance à une collaboration entre l’OETP et le Musée d’Anthropologie préhistorique et met en lumière la grotte de l’Observatoire, l’un des trésors archéologiques de la Principauté.

Pouvez-vous vous présenter ?

Lara Terlizzi-Enza : Je dirige l’Office des Émissions de Timbres-Poste de Monaco depuis mai 2015. Avant d’en prendre la direction, j’y travaillais déjà en tant que chef de division. J’étais notamment en charge du programme philatélique, du suivi de la conception des timbres ainsi que des aspects liés au marketing.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?

Tout me plaît dans mon travail. Ce que j’apprécie particulièrement, c’est la diversité des missions : la créativité, les échanges humains, les rencontres avec les artistes… Je suis toujours admirative de leur talent et j’apprends énormément à leurs côtés.

Créer un timbre, c’est aussi mener un véritable travail de recherche, notamment historique. Très souvent, nos émissions sont liées au patrimoine de la Principauté ou à la Famille Princière. Par exemple, nous avons récemment conçu un timbre pour commémorer le tricentenaire de la mort de Jacques III de Matignon. Il y a tout un contexte historique à explorer. Dans ce cadre, je collabore étroitement avec Thomas Fouilleron, directeur des Archives et de la Bibliothèque du Palais Princier, dont les conseils et recommandations sont précieux.

Ce que j’aime aussi, c’est suivre l’ensemble du processus : partir d’une idée et aboutir à un produit fini. Un timbre, c’est un petit objet, mais il incarne la souveraineté d’un pays. Il s’inscrit dans l’histoire, traverse les époques, les générations. Et puis, bien sûr, j’aime travailler avec l’ensemble de mon équipe.

Est-ce que vous pouvez nous présenter quelques timbres prévus pour 2025 ? Les thèmes sont-ils liés à l’actualité monégasque ?

Oui, les timbres s’inspirent de l’actualité ou des commémorations importantes pour Monaco, nous sortons environ 50 nouveaux timbres chaque année. En janvier, nous avons ouvert l’année avec un timbre dédié au Festival International du Cirque, accompagné d’un autre pour célébrer les 50 ans de l’Association des Amis du Cirque. Nous avons aussi émis un timbre pour le tricentenaire de la mort de Jacques III de Matignon. Nous avons ensuite poursuivi avec notre série dédiée aux chanteurs d’opéra, très appréciée des collectionneurs.

Cette année, nous commémorons également les 50 ans de la disparition de Joséphine Baker, les 10 ans du e-Prix, les 40 ans du Stade Louis II et le centenaire de l’Église anglicane de Monaco. Nous avons aussi marqué l’Année Sainte, proclamée par le pape, en tant qu’État à religion catholique.

Certains thèmes reviennent chaque année, comme les affiches du tournoi de tennis, les expositions canine et féline, ou encore le concours de bouquets. Nous avons aussi une série emblématique consacrée aux pilotes et voitures mythiques de Formule 1, toujours très populaire.

Et puis, d’autres anniversaires importants ont été mis à l’honneur : les 50 ans de l’Association Monégasque pour la Protection de la Nature, les 25 ans du Grimaldi Forum, ou encore les 150 ans de la naissance de Maurice Ravel, dont une œuvre majeure a été créée à Monaco.

En juin, deux blocs spéciaux viendront enrichir la collection : l’un composé de trois timbres consacrés à Mareterra Monaco, l’autre dédié à la 6ᵉ Rencontre des Sites historiques Grimaldi de Monaco.

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Timbre Europa 2025 Monaco © Direction de la Communication / Manuel Vitali 

Comment se déroule le processus de création des timbres ? Et pouvez-vous nous en dire plus sur les timbres gravés en taille-douce ?

Une fois le sujet validé, nous lançons le processus de création. Pour un timbre gravé en taille-douce, comme c’est le cas, par exemple, du timbre Europa, il faut compter environ quatre mois de travail.

Je commence par confier la mission à un artiste, qui a en général un mois pour nous soumettre deux ou trois propositions, selon ce que je demande. Ces projets sont ensuite mis en page par notre infographiste, puis présentés à la Commission philatélique, qui peut valider, refuser ou demander des ajustements.

Une fois le visuel approuvé, je passe commande auprès de Philaposte. Comme il s’agit de taille-douce, la suite du processus est très technique : l’artiste grave le dessin à la main sur une plaque d’acier, une opération extrêmement minutieuse. Cette gravure est ensuite transférée sur une virole (un cylindre d’impression), puis viennent les essais couleur et les échanges avec nous pour valider le rendu final, en particulier sur les teintes et la mise en page.

La taille-douce est une technique très prisée des philatélistes. Elle offre une qualité de détail exceptionnelle. C’est un véritable travail d’orfèvre : chaque trait est gravé manuellement sur acier. Le résultat, c’est une œuvre miniature d’une grande finesse, à la fois artistique et technique.

Pouvez-vous nous parler du timbre Europa 2025 ?

Les timbres Europa existent depuis 1956. Ce sont parmi les plus collectionnés au monde, car chaque année, près de 60 pays participent à cette émission sur un thème commun, choisi par PostEurop. Pour 2025, le thème retenu est celui des découvertes archéologiques nationales.

À Monaco, il nous a semblé évident de mettre en avant la grotte de l’Observatoire, un site archéologique de la Principauté, situé sur le flanc sud du Jardin Exotique. C’est un lieu emblématique, où des fouilles ont été initiées dès 1916 sur décision du Prince Albert Ier. On y a découvert des traces d’occupation humaine très anciennes, remontant à environ 250 000 ans. Pour concevoir ce timbre, nous avons travaillé en étroite collaboration avec Élena Rossoni-Notter, directeur du Musée d’Anthropologie préhistorique de Monaco. Elle nous a orientés sur les découvertes les plus significatives à représenter, parmi lesquelles figurent le biface préhistorique et le crâne de lynx découverts dans la grotte elle-même.

Nous avons aussi choisi de représenter quatre objets archéologiques majeurs retrouvés sur le territoire monégasque : Une amphore romaine du IIIe siècle après J.-C., découverte en mer, au large du port de Monaco, en 1948 ; une monnaie en or datant du règne de Philippe II de Macédoine (345-336 av. J.-C.), retrouvée près de la chapelle Sainte-Dévote ; un bracelet du IIIe siècle après J.-C., mis au jour à la Condamine en 1879. Et bien sûr, les éléments directement liés à la grotte : le biface et le crâne de lynx.

Nous avons souhaité qu’il soit gravé en taille-douce, une technique traditionnelle que nous privilégions dès que possible et pour nous démarquer. Là où de nombreuses administrations postales utilisent l’offset ou la photo, nous avons la chance, avec le soutien du Palais, de pouvoir proposer des timbres gravés. La gravure a été confiée à André Lavergne, un artiste français avec qui nous travaillons régulièrement. Il a une grande expérience de ce type de représentation, il travaille vite, avec beaucoup de précision. Le choix s’est fait naturellement.

Commencez-vous déjà à travailler sur le timbre Europa 2026 ?

Oui, tout à fait. La préparation est déjà en cours. Nous avons déjà identifié plusieurs sujets potentiels, et nous allons très bientôt passer commande du premier timbre de l’année 2026.

Nous avons des collectionneurs fidèles un peu partout dans le monde

Il y a une importante communauté de philatélistes à Monaco. Est-ce une fierté pour vous ?

Bien sûr, c’est une vraie fierté. Monaco compte de nombreux philatélistes, tout comme la France et bien d’autres pays. Nous avons des collectionneurs fidèles un peu partout dans le monde. Même si la philatélie attire moins les jeunes générations aujourd’hui, davantage tournées vers le numérique ou les loisirs virtuels, nous conservons un socle solide d’amateurs passionnés. Nous les rencontrons souvent lors de salons ou d’expositions philatéliques à l’étranger, auxquels nous participons régulièrement. Et tous les deux ans, nous organisons à Monaco MonacoPhil, une grande exposition philatélique qui rassemble des collectionneurs du monde entier. C’est toujours un moment fort et un vrai lien avec cette communauté.

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Europa 2024 – Le poulpe Monaco

Quelle est votre relation avec le Prince Albert II ?

Le Prince Albert II suit de très près le travail de l’Office des Timbres. Le choix des thèmes et des visuels des timbres est effectué par le Prince lui-même, sur avis de la Commission consultative de Ses Collections philatélique et numismatique. Nous collaborons régulièrement avec lui, et il nous fait l’honneur et la gentillesse d’être présent à chaque édition de MonacoPhil, qu’il inaugure personnellement. L’année dernière, il a également participé à plusieurs opérations de « premier jour », en signant notamment les enveloppes de l’émission consacrée au 80ᵉ anniversaire de la Libération de Monaco et du Débarquement, ainsi que celle dédiée à Marcel Pagnol, à l’occasion des 50 ans de sa disparition. Le Prince Albert II est très investi et la collection des timbres de Monaco fait partie intégrante de Ses Collections personnelles.

Enfin, avez-vous un timbre « coup de cœur » ?

J’ai une affection particulière pour les timbres en taille-douce, car j’entretiens un lien privilégié avec les artistes graveurs. J’admire leur sensibilité, leur manière d’insuffler une émotion dans un visage, un regard. Parmi ceux qui m’ont marquée récemment, je pense au timbre réalisé pour le bicentenaire de la naissance d’Alexandre Dumas, gravé par Pierre Albuisson, un artiste renommé en France. Il est particulièrement réussi. De manière générale, j’aime les portraits gravés qui transmettent quelque chose de fort, où l’on sent une vraie présence du personnage représenté.