Vers un yachting plus vert : innovations et pistes durables du Monaco Yacht Show 2025

Le MYS 2025 fait la part belle au développement durable avec des innovations et un engagement renforcé de l’industrie. Entre propulsions alternatives, intelligence artificielle et nouveaux propriétaires plus sensibles à l’environnement, le secteur dessine les contours d’un yachting plus responsable.
Cette année, pour sa 34ème édition, le salon monégasque a lancé le programme Blue Wake, développé en collaboration avec la Water Revolution Foundation. « 59 exposants ont obtenu la reconnaissance Blue Wake pour cette première édition, qui s’appuie sur des critères scientifiques très précis, ce qui reflète clairement l’engagement croissant de l’industrie en faveur de la responsabilité environnementale », a déclaré Gaëlle Yarrida, directrice générale du salon, lors de la conférence d’ouverture le mercredi 24 septembre.
Les premiers Blue Wake Awards 2025 ont été décernés mardi soir, récompensant les acteurs les plus innovants dans cinq catégories : jouets nautiques et annexes, produits et services de luxe, fournisseurs nautiques, et rénovation-construction et prix spécial du jury. Pour Fabien Arnoux, directeur de Riviera Yachting Network, cette initiative souligne l’importance de Monaco comme catalyseur : « Monaco est un véritable fer de lance pour des engagements forts et de nouvelles initiatives innovantes. C’est là que se dessine le yachting de demain. »

Les carburants alternatifs ouvrent la voie
Pour parvenir à décarboner l’activité, le secteur mise sur les propulsions alternatives. Avec l’hydrogène, le méthanol fait figure de solution prometteuse. « L’utilisation du méthanol signifie que dans le cycle de vie du carburant, les émissions sont quasi nulles », explique Caterina Benedetti, chef de projet en Recherche et Développement chez Meccano Engineering, membre du programme Blue Wake qui développe des systèmes de propulsion au méthanol pour des yachts de 68 mètres. « En matière de stockage, de sécurité ou de disponibilité, c’est probablement la meilleure option ».
Les biocarburants, comme l’huile végétale hydrotraitée (HVO) s’imposent également comme une alternative immédiate lorsqu’ils sont couplés à des solutions hydrogène. Selon Robert Van Tol, directeur de la Water Revolution Foundation, ce carburant « réduit les émissions de 90% et est disponible pour un léger supplément financier par rapport au diesel. Vous n’avez rien à changer à bord, donc cela ne nécessite aucune mise à niveau technique. »

Le défi énergétique
Deuxième défi de taille, la question du stockage d’énergie demeure centrale dans la transition énergétique du yachting. « On imagine qu’un yacht ne pollue qu’à partir du moment où il navigue. En réalité 80 % de sa consommation énergétique provient de son usage, de la partie ‘hôtellerie’ (…) l’objectif est de changer de mode de consommation, notamment la nuit, et par la même de réduire la pollution sonore dans des endroits que l’on souhaite préserver », explique Fabien Arnoux.
Lorenzo Savini, ingénieur commercial de Siemens Energy, explique la complémentarité entre les technologies : « La pile à combustible produit de l’électricité pour charger les batteries destinées aux services hôteliers. Elle perd sa puissance constante, tandis que la batterie est très efficace pour couvrir les pics de consommation. Nous continuons à dépendre des batteries ». Pour Siemens Energy, chaque projet nécessite une approche sur mesure : « Il n’existe pas de solution prête à l’emploi dans notre domaine. Nous savons que chaque projet est unique. Nous partons essentiellement d’un système modulaire avec des solutions de mix énergétique », précise Lorenzo Savini.
L’avenir s’oriente vers des technologies plus performantes, des batteries puissantes, et capables de supporter davantage la charge et la décharge. « Les prototypes de batteries à semi-conducteurs seront prêts début 2026, mais ne seront disponibles sur le marché que dans deux ou trois ans en raison du processus de certification », anticipe Iacopo Senarega, chef de projet R&D chez Benetti.
Pour optimiser la consommation énergétique, le secteur peut compter sur le renfort de l’intelligence artificielle. Christian Paolini, directeur de Team Italia Marine (Rolls-Royce/MTU), présente des systèmes d’IA qui « peuvent déjà être utilisés sur les navires existants afin de réduire les temps d’immobilisation, d’augmenter l’efficacité et de réduire la consommation de carburant. »
Le refit, levier d’action pour la flotte existante
Avec plus de 6 000 yachts de plus de 30 mètres en circulation, l’industrie du refit (rénovation, ndlr) joue un rôle crucial pour prolonger la durée de vie de ces gros équipements. Fabien Arnoux développe une approche innovante : « On a placé 40 capteurs sur un bateau San Lorenzo de 42 mètres pour avoir la photographie exacte de la consommation énergétique. Les premiers constats montrent qu’un générateur de 60-65 kW suffirait au lieu de deux générateurs de 115 kW chacun. »
Un procédé qui lui a permis de mesurer le champ des possibles et de positionner les entreprises sous-traitantes sur des offres de « refit green ». « L’industrie du refit a réellement à offrir des solutions tangibles et pérennes », insiste-t-il, en rappelant que la région Sud a réalisé 609 refits de bateaux de plus de 30 mètres l’an dernier, sur un total mondial d’environ 1 700.

Une nouvelle génération de propriétaires plus sensible à l’environnement
Le changement générationnel constitue un facteur clé de cette transition. « La moyenne d’âge du nouveau propriétaire d’un superyacht est actuellement de 42 ans. Cette génération a développé une sensibilité à l’environnement bien supérieure et des usages du yacht différents des précédentes », poursuit Fabien Arnoux.
Cette évolution s’accompagne d’une approche plus éducative également auprès des équipages en navigation. « Nous avons mis en place un programme qui vise à mieux comprendre l’impact écologique des opérations quotidiennes, puis de prendre des mesures pratiques à bord pour le réduire, comme le changement des produits de nettoyage par exemple », témoigne Georgina Menheneott, responsable RSE chez Burgess. L’entreprise propose également l’intégration de la philanthropie dans les services de charters (location de yachts) en soutenant la recherche et la collecte de données scientifique dans les milieux naturels.

Avec une feuille de route claire vers la neutralité carbone d’ici 2050, l’industrie peut donc suivre sur de nombreuses pistes en matière de durabilité : « Peu d’industries ont réellement projeté leur avenir comme le fait aujourd’hui le secteur du yachting, avec des objectifs quantifiés pour la conception, la construction, l’exploitation et la rénovation », observe Robert Van Tol de la Water Revolution Foundation.