L’allaitement maternel : déconstruire les mythes pour mieux accompagner les mères
À l’occasion de la Semaine Mondiale de l’Allaitement Maternel, le réseau Entreparents a organisé un atelier pour informer et soutenir les parents face aux nombreuses idées reçues qui persistent autour de cette pratique naturelle.
Entre nature et apprentissage
« L’allaitement est naturel, certes, puisque le corps de la femme est capable de porter la grossesse, de mettre au monde le bébé et de le nourrir », explique Brigitte Fino, sage-femme retraitée et consultante en lactation IBCLC (International Board Certified Lactation Consultant). « Pourtant, même si c’est naturel, les mamans ont parfois besoin d’un peu d’aide pour pouvoir aller au bout de leur projet d’allaitement. »
Cette nuance entre capacité biologique et pratique concrète constitue le cœur du problème. Depuis quinze ans, Brigitte Fino anime des ateliers pour accompagner les parents dans cette aventure qui reste, malgré son caractère physiologique, parsemée d’obstacles culturels et sociaux.
Un lait de mère sera toujours meilleur qu’un lait industriel
Les fausses croyances ont la vie dure
Parmi les mythes les plus tenaces, celui du « lait pas assez nourrissant » arrive en tête. « Ce sont des croyances populaires qui malheureusement sont colportées par la société », déplore la consultante. « Un lait de mère sera toujours meilleur qu’un lait industriel. Le lait est toujours nourrissant. Il est exactement fait pour le moment où le bébé va le téter. »
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande d’ailleurs un allaitement exclusif pendant six mois, puis la poursuite de l’allaitement jusqu’à deux ans avec une diversification alimentaire. Contrairement à une idée reçue, le lait maternel conserve ses propriétés nutritionnelles bien au-delà des six mois.
Autre préjugé persistant : l’allaitement abîmerait la poitrine. « C’est l’âge et la grossesse qui modifient le corps, pas spécialement l’allaitement », rectifie Brigitte Fino avec un sourire entendu face à cette question récurrente.
Un choix sous pression
Les mères se retrouvent souvent prises entre deux feux. « Qu’elles allaitent ou pas, quand elles allaitent, on va leur dire que leur bébé est toujours dans leurs bras et toujours au sein. Et si elles n’allaitent pas, elles entendront « Mais tu n’as même pas essayé d’allaiter » », observe la sage-femme.
Johanna Damar, organisatrice de l’événement pour Entreparents, souligne l’importance de cette initiative : « Soutenir l’allaitement maternel, c’est bien plus que promouvoir une pratique : c’est préserver un lien, soutenir la santé des mères et des enfants, valoriser la liberté de choix, et encourager une société plus inclusive. »
Des disparités culturelles marquées
À Monaco, la diversité culturelle offre un éclairage particulier sur ces questions. « La différence avec Monaco, c’est qu’on a beaucoup d’étrangers et donc ça nous permet d’avoir plusieurs cultures », note Brigitte Fino. Les taux d’allaitement varient considérablement selon les origines : environ 95% dans les pays scandinaves contre à peine 80% en France et à Monaco.
Cette différence, purement culturelle selon la spécialiste, révèle l’importance du contexte social dans la réussite d’un projet d’allaitement. « Nous ne sommes pas dans une culture de l’allaitement », regrette-t-elle, évoquant notamment les difficultés rencontrées par les mères qui souhaitent allaiter en public.
Le lien d’attachement, un bienfait sous-estimé
Au-delà des bénéfices physiques largement documentés – réduction des risques d’infection chez le bébé, diminution des risques de cancer chez la mère – Brigitte Fino insiste sur un aspect souvent négligé : « La grande qualité du lien d’attachement » qui se crée entre la mère et son enfant. « La proximité avec un bébé allaité lui donne une réassurance, une sécurité de base certainement supérieure », explique-t-elle, soulignant cette dimension émotionnelle fondamentale de l’allaitement.
L’allaitement et le monde du travail
La reprise du travail ne doit plus être un frein à l’allaitement. « On a de plus en plus de facilités pour pouvoir continuer l’allaitement, même à la reprise du travail », se réjouit Brigitte Fino. Les tire-lait permettent aux mères de maintenir leur production lactée tout en reprenant leur activité professionnelle. Les femmes ont le droit d’utiliser ces dispositifs sur leur lieu de travail, une avancée importante pour concilier vie professionnelle et projet d’allaitement.
Un accompagnement gratuit et accessible
Les ateliers proposés par Entreparents adoptent un format « porte ouverte », permettant aux parents de venir poser leurs questions au moment où elles se posent. Ces rencontres gratuites sont ouvertes aux familles de Monaco et des communes limitrophes. Brigitte Fino anime des ateliers mensuels à la Maison des Associations dans le cadre d’Entreparents, ainsi que des interventions ponctuelles à la Mairie de Monaco. Un atelier spécial est également organisé chaque année lors de la Semaine Mondiale de l’Allaitement Maternel.
Les séances incluent des démonstrations pratiques (positions d’allaitement, portage, massage), la présentation de matériel d’aide, et surtout, un espace d’échange entre parents. « Ce format leur permet de venir et de repartir. Ce n’est pas comme un cours avec un début et une fin », précise la consultante.
Plus on parlera d’allaitement, mieux ce sera
Le rôle crucial de l’entourage
Le partenaire joue un rôle déterminant dans cette aventure. « Le père est protecteur du projet d’allaitement de sa compagne », affirme la consultante. Un soutien d’autant plus nécessaire que les jeunes parents doivent souvent faire face aux commentaires et conseils non sollicités de leur entourage.
Vers une évolution des mentalités
Malgré les obstacles, Brigitte Fino observe une évolution positive : « Je pense qu’il y a une prise de conscience du fait que le lait maternel est un lait humain pour un bébé humain, et qu’il couvre totalement les besoins du nouveau-né. » De plus en plus de couples sont conscients de l’importance de l’alimentation dans la santé tout au long de la vie.
« Plus on parlera d’allaitement, mieux ce sera », conclut-elle. « Il faut que les parents puissent avoir les ressources possibles, s’entourer de gens compétents, et que l’on puisse mettre un terme aux idées reçues qui sont en général très néfastes pour l’allaitement. »












