Interview

Diplomatie parlementaire : comment Monaco porte sa voix à l’international

Du 15 mai au 10 novembre 2026, Monaco prendra la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe © image générée par IA
Du 15 mai au 10 novembre 2026, Monaco prendra la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe © image générée par IA

Fabrice Notari, président de la Commission des relations extérieures du Conseil national revient sur la diplomatie parlementaire monégasque, entre coopération avec les petits États européens et préparation de la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.

Pourriez-vous rappeler à nos lecteurs votre rôle au sein du Conseil national, notamment en tant que président de la Commission des relations extérieures ?

La Commission des relations extérieures est l’une des quatre commissions permanentes du Conseil national. Elle assure le suivi de la politique extérieure du Prince Albert II, qui relève de ses prérogatives, avec une spécificité pour le volet parlementaire. Notre principale mission consiste à représenter Monaco dans les institutions internationales, notamment l’Union interparlementaire (UIP), l’organisme parlementaire le plus ancien au monde. C’est une sorte de Parlement des parlements où 270 pays siègent lors de deux assemblées générales annuelles.

Cette année, vous avez participé aux 150e et 151e Assemblées de l’Union interparlementaire en tant que chef de la délégation monégasque. Quels ont été les points saillants de cette réunion, selon vous ?

Les points d’urgence occupent une place centrale : les situations préoccupantes en Ukraine, à Gaza, au Soudan, au Venezuela. L’UIP tente d’apporter sa contribution à la paix et à la résolution de ces crises. Au-delà de l’actualité, nous menons un travail de fond pour accompagner certains pays dans leur transition démocratique comme lors d’organisation d’élections régulières et de structuration des parlements.

Fabrice Notari lors d'un sommet de l'UIP © Conseil national
Fabrice Notari lors d’une assemblée de l’UIP © Conseil national

Un volet important concerne aussi la défense des parlementaires emprisonnés pour leurs opinions politiques. Ce ne sont pas des terroristes, mais des élus incarcérés simplement pour avoir pris position. L’UIP alerte également sur des sujets de société, par exemple les droits des femmes ou les catastrophes naturelles ou l’encadrement politique dans les pays frappés par des tremblements de terre ou d’autres crises humanitaires.

Vous avez été réélu au sein du Bureau de la Commission permanente « développement durable » de l’UIP. Comment Monaco entend-il porter ses priorités, notamment environnementales, au sein de cette commission ?

J’ai candidaté pour m’inscrire dans la tradition monégasque de défense des océans et de l’environnement. C’est un terrain où notre voix porte, où nous avons une légitimité reconnue, comme le souhaite notre Souverain. Sur des sujets plus polémiques comme la médiation dans certains conflits, notre neutralité nous impose davantage de réserve. L’écologie et la défense des Objectifs de développement durable nous permettent d’intervenir avec un poids que nous n’aurions pas autrement.

Lors de la 18e Conférence des Présidents de Parlement des Petits États d’Europe, le Conseil national de Monaco a proposé un projet d’accord de coopération interparlementaire plus structuré. Pouvez-vous nous en dire plus sur les ambitions de cet accord ?

Ce groupement est né d’une initiative monégasque, à l’époque du président Valéri. Le principe est simple : une fois réunis, les petits États de moins d’un million d’habitants pèsent autant qu’un grand pays dans certains votes. Jusqu’ici, nous nous retrouvions une fois par an sans véritable continuité. Le président Brezzo a voulu instaurer un secrétariat permanent pour maintenir le contact tout au long de l’année. Monaco en assurera la charge, avec une personne du Conseil national dédiée à ce travail.

En 2024, Monaco a célébré sa vingtième année d'adhésion au Conseil de l'Europe le 5 octobre 2004, en tant que 46ème État membre © Conseil national
En 2024, Monaco a célébré sa vingtième année d’adhésion au Conseil de l’Europe le 5 octobre 2004, en tant que 46ème État membre © Conseil national

Quels sont, selon vous, les principaux défis à relever pour que ces petits États coordonnent une « voix commune » dans les grandes organisations internationales ?

Chaque pays conserve ses prérogatives. Impossible d’aller contre ses propres intérêts. Mais lorsqu’une position majoritaire se dégage, notre poids collectif devient significatif. Cette coordination s’applique partout où nous siégeons ensemble : UIP, Conseil de l’Europe, Francophonie, Parlement de la Méditerranée.

Prenez les négociations avec l’Union européenne : Andorre et Saint-Marin font partie de ce groupe. Nous échangeons sur nos positions respectives, nous discutons de ce que l’un accepte ou refuse. Cela ouvre les esprits et évite à chacun de rester isolé.

Cet été, une délégation du Parlement andorran a justement visité Monaco, dans le cadre d’un renforcement de la coopération interparlementaire. Quel est le sens de cette visite à vos yeux ?

Nous entretenions d’excellentes relations avec plusieurs pays, mais sans cadre formel au-delà de nos deux groupes d’amitié historiques avec l’Assemblée nationale et le Sénat français. Andorre a été le premier pas : il y a un an, nous avons signé une convention instaurant des réunions régulières. D’autres accords suivront, notamment avec l’Italie et la Belgique, où vit une importante communauté installée à Monaco. Nous avons également de très bonnes relations avec la Suisse et le Royaume-Uni, que nous voyons en bilatéral lors des assemblées internationales.

Monaco s’apprête à assumer la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe à partir de mai 2026, un rôle historique. Quel regard portez-vous, en tant que parlementaire, sur cette responsabilité et ses implications pour le Conseil national que vous représentez ?

C’est un événement majeur. Le volet gouvernemental sera au premier plan, mais les retombées parlementaires seront réelles puisque des parlementaires d’autres pays accompagneront probablement leurs délégations ministérielles. Nous comptons porter des sujets qui nous tiennent à cœur à savoir les droits des femmes et des enfants. Certains pays candidats à l’adhésion au Conseil de l’Europe sollicitent notre appui. Ce sera l’occasion d’examiner les possibilités, même si le processus s’annonce long.

La délégation monégasque au Palais des Nations Unies à Genève © Conseil national
La délégation monégasque au Palais des Nations Unies à Genève © Conseil national

Monaco renforce son rayonnement international non seulement par l’énergie du Prince Albert II, par son gouvernement mais aussi via ses parlementaires : comment évaluez-vous la contribution du Conseil national à cette diplomatie « parlementaire » ?

Notre petite taille et notre neutralité suscitent un réel intérêt et nous vaut parfois des responsabilités de médiation, précisément parce que nous n’avons pas d’intérêts particuliers à défendre.

Mais à l’étranger, Monaco reste méconnue ou réduite à des clichés. La réalité est tout autre : une économie performante, un cadre social solide, des milliers de pendulaires chaque jour. Monaco est aussi très reconnue pour sa coopération internationale : l’argent est bien utilisé, bien contrôlé, il ne se perd pas dans des projets pharaoniques. Nos actions, comme la construction d’écoles et l’aide au développement en Afrique ou en Amérique du Sud, sont saluées pour leurs résultats concrets.

Le président du Conseil National, Thomas Brezzo, a compris qu’il fallait nous montrer davantage sur la scène internationale pour faire connaître cette image authentique. Longtemps, on parlait de « tourisme parlementaire ». C’est une image injuste car nous travaillons dur à porter la voix monégasque. Depuis les négociations avec l’Europe, les Monégasques mesurent mieux l’utilité de ce travail.