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Interview

Paroles d’ambassadeurs : Monaco et le Royaume-Uni, une longue amitié royale au service de l’excellence

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© Image générée par IA

De l’environnement à l’éducation, en passant par l’attractivité économique et les défis du Brexit, Evelyne Genta, ambassadrice de Monaco au Royaume-Uni, nous dévoile les coulisses d’une relation diplomatique unique, portée par une proximité royale sincère et une volonté commune d’excellence.

Monaco Tribune : Comment caractériseriez-vous les relations actuelles entre Monaco et le Royaume-Uni ?

Evelyne Genta : Nos relations fonctionnent à deux niveaux complémentaires. D’abord, la dimension princière et royale, absolument fondamentale. Le Roi Charles III et le Prince Albert II entretiennent une amitié authentique qui remonte à plusieurs décennies. Ils se sont rencontrés très tôt sur le terrain de l’environnement, à une époque où cette cause n’avait pas l’audience actuelle. Cette passion commune a créé un lien profond qui dépasse le protocole diplomatique.

Ces échanges ne se limitent pas aux grandes occasions officielles. Nous avons accueilli le Prince Édouard et son épouse à Monaco le 12 octobre, et le Prince William s’est rendu en Principauté en juin dernier pour le Blue Economy and Finance Forum. Nous travaillons également à la venue de l’escadron du Roi lors de la Fête nationale de 2027, un honneur pour Monaco et un symbole fort pour notre importante communauté britannique. Ces visites illustrent une amitié durable, fondée sur le respect mutuel et des valeurs partagées, qui dépasse le simple cadre formel des relations diplomatiques.

Ensuite, il y a le niveau institutionnel. Monaco et le Royaume-Uni partagent de nombreux défis et intérêts communs. Le Brexit a complexifié certains échanges, mais nous travaillons activement à les faciliter, notamment dans les domaines de la finance, des investissements et de l’éducation.

Evelyne Genta, ambassadrice de Monaco au Royaume-Uni © DR
Evelyne Genta, ambassadrice de Monaco au Royaume-Uni © DR

L’environnement semble être un pilier central de cette coopération. Comment se concrétise-t-elle sur le terrain ?

La Fondation Prince Albert II collabore avec les institutions britanniques les plus prestigieuses : les universités d’Édimbourg, d’Oxford et de Cambridge, mais aussi la Fondation Earthshot Prize, initiée par le Prince William et Sir David Attenborough. Ces partenariats ne sont pas symboliques : la Fondation finance des projets après une analyse scientifique rigoureuse, certains s’étendant sur plusieurs années.

La Fondation Prince Albert II a également créé un fonds environnemental, avec l’aide de la société Monaco Asset Management, et l’a présenté à Londres. Ce fonds illustre notre volonté de faire converger finance et environnement, tout en facilitant l’accès à des solutions concrètes pour la lutte contre le changement climatique. Récemment, nous avons organisé la cérémonie des Planetary Health Awards de la Fondation à Londres, réunissant toutes nos branches internationales. Cette reconnaissance mondiale confère à Monaco une crédibilité solide et ouvre des portes pour d’autres domaines de coopération.

Londres FPA2 Remise de Prix 2025
Le 17 octobre 2025, la Fondation Prince Albert II de Monaco a décerné ses prix annuels à Londres, en présence du Prince Albert II © Michael Alesi Palais Princier

Cela contribue-t-il à transformer la perception de Monaco ?

Absolument. Au début de mon mandat, en 2011, Monaco était souvent perçue uniquement à travers le prisme du Grand Prix, du yachting et du luxe. Certes, le luxe existe et représente un pan important de notre économie, mais ce n’est qu’une facette de notre identité. Aujourd’hui, nous mettons en avant la dimension économique, financière

L’Angleterre reste un centre financier majeur malgré le Brexit, et cela profite à Monaco. Nous attirons de jeunes entrepreneurs britanniques accompagnés de leurs family offices, générant de nombreux emplois qualifiés et dynamisant notre écosystème.

Il y a 15-20 ans, nos résidents étaient majoritairement des retraités fortunés ; aujourd’hui, ce sont des trentenaires innovants et technophiles, porteurs de projets ambitieux et dynamiques. Cette évolution témoigne de notre capacité à renouveler notre attractivité tout en consolidant nos fondamentaux.

Comment gérez-vous concrètement cette attractivité ?

Je mobilise toutes les entités disponibles : l’AMAF, le Monaco Economic Board (MEB), le MPL, la SBM et le secteur privé. Monaco doit être présenté comme un ensemble cohérent et organisé. Par exemple, Robert Laure, directeur de l’AMAF, a récemment expliqué la question de la  « liste grise » lors d’une réunion avec banquiers, professionnels et journalistes. Ces clarifications rassurent les futurs résidents et leur permettent de planifier leur installation avec confiance. Les résultats sont là : Londres reste un vivier majeur de nouveaux arrivants, et notre communauté britannique à Monaco continue de croître.

Dans l’autre sens, que recherchent les Monégasques au Royaume-Uni ?

Principalement les études supérieures. Nos jeunes sont brillants et ambitieux, mais le contexte administratif s’est complexifié avec le Brexit. Les étudiants doivent désormais demander leur visa avant même les résultats du baccalauréat. Nous les accompagnons à chaque étape, jusqu’à la visite d’appartements, pour garantir un départ serein et des opportunités essentielles pour leur avenir. Cette assistance illustre notre engagement à soutenir la jeunesse monégasque dans un monde globalisé.

Le Brexit a donc considérablement complexifié les échanges…

Oui, les transformations sont majeures. Auparavant, un résident britannique obtenait facilement sa carte de séjour. Aujourd’hui, un visa délivré par la France est nécessaire, et les délais ont augmenté. Le calendrier fiscal britannique complique également la situation pour ceux qui souhaitent s’installer à Monaco. L’article 5 de la Convention franco-monégasque permet, sous certaines conditions, de traiter des visas à l’ambassade de France à Monaco, mais il faut rester prudent pour ne pas surcharger les services français. Cette complexité administrative ne freine pas notre engagement à maintenir un dialogue constant et fluide avec nos partenaires britanniques.

Au-delà de l’économie, comment se déploie la coopération culturelle ?

Nous organisons régulièrement des échanges culturels. Monaco a récemment accueilli une exposition sur Turner, et l’Opéra de Monaco a co-produit une représentation de Faust au Royal Opera House. Les Ballets de Monte-Carlo ont dansé au London Coliseum en 2014 pour LAC et pour Roméo et Juliette en 2015.

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Le Prince Albert II devant le tableau « La Chute d’une avalanche dans les Grisons » de Turner © Direction de la Communication / Frédéric Nebinger

Il y a également l’exposition sur la Princesse Grace au Victoria and Albert Museum, que nous avions eu l’honneur d’organiser à l’époque. Cette initiative a rencontré un immense succès, avec plus de 210 000 visiteurs, et reste un symbole fort de la capacité de Monaco à partager son patrimoine culturel avec le monde. Ces succès montrent l’appétit britannique pour la culture monégasque et confirment que l’art est un langage universel qui rapproche nos nations.

Un mot sur Londres comme « ville monde » pour la diplomatie monégasque ?

Absolument. Londres est la seule ville européenne véritablement mondiale. Elle permet de rencontrer des acteurs des Émirats, d’Arabie Saoudite, de Singapour ou de Malaisie, et de promouvoir Monaco au-delà du Royaume-Uni. Nous l’utilisons comme point d’ancrage stratégique pour étendre notre réseau et nos partenariats. Cette dimension internationale renforce notre diplomatie et ouvre des perspectives économiques et culturelles inédites pour la Principauté.

Quels sont les grands projets que vous aimeriez voir se concrétiser dans les prochaines années ?

Le Royaume-Uni possède une avance considérable dans les technologies, avec des pôles universitaires et technologiques très performants. Monaco pourrait bénéficier de ces expertises pour soutenir sa nouvelle génération de start-ups et d’entrepreneurs. Nous souhaitons créer davantage de synergies entre innovation, finance et environnement, pour que nos jeunes talents puissent développer des solutions concrètes à des enjeux globaux.

Le Prince Albert II de Monaco à la COP26  en 2021 de Glasgow avec Boris Johnson et António Guterres © Karwai Tang/ UK Government
Le Prince Albert II de Monaco à la COP26 en 2021 de Glasgow avec Boris Johnson et António Guterres © Karwai Tang/ UK Government

Le rapide développement des technologies est-il compatible avec les approches environnementales, dont Monaco fait une priorité ?

Je le crois profondément. Les gestes individuels sont essentiels, mais face à l’urgence climatique, l’innovation technologique est la vraie solution. Monaco ne peut pas inventer seule ces solutions, mais nous pouvons offrir de la visibilité et des financements via la Fondation Prince Albert II et son fonds environnemental, présenté à Londres avec Monaco Asset Management. Londres constitue un pôle d’excellence pour ces synergies : technologie, finance et environnement doivent converger pour relever les défis globaux. Notre objectif est de démontrer qu’économie et écologie peuvent avancer de concert, tout en inspirant d’autres nations à suivre cette voie.


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