Daniel Elena : le champion monégasque troque la poussière des rallyes pour le micro de la chaine L’Équipe
Le copilote le plus titré de l’histoire du WRC sera consultant sur la chaine L’Équipe pour le Dakar 2026. À 53 ans, le Monégasque aux neuf titres mondiaux n’a rien perdu de sa flamme. Ni de son franc-parler.
Dans le quartier de Sainte-Dévote, là où le premier virage du Grand Prix de Monaco dessine une courbe mythique, Daniel Elena a grandi avec le vrombissement des moteurs pour berceuse. Une douce mélodie qui n’a plus quitté celui qu’on qu’on surnomme « Danos », d’abord aux côtés de Sébastien Loeb, en tant que copilote le plus titré de l’histoire du championnat du monde des rallyes (WRC) et désormais comme chroniqueur sur la chaine L’Équipe.
Le Monégasque s’apprête à commenter le Dakar sur les antennes de la chaine L’Équipe du 3 au 17 janvier 2026. Une reconversion qui lui permet de transmettre un savoir-faire forgé au fil de 79 victoires en WRC et de neuf sacres mondiaux consécutifs entre 2004 et 2012. « Je passe bien à l’antenne, j’ai mon franc-parler et les gens adorent ça. « Les personnes adorent mon franc-parler. Je suis un vrai passionné et j’ai envie de partager mes anecdotes et mes analyses, nous confie Daniel Elena. Je connais tous les équipages personnellement puisque c’étaient pour la plupart mes coéquipiers ou mes adversaires. Le rallye, c’est une grande famille. »

L’art de l’improvisation
Pour comprendre Daniel Elena, il faut saisir la différence fondamentale entre les deux mondes qu’il a conquis : le WRC et le rallye-raid. « En WRC, on connaît exactement chaque virage. C’est une partition de musique que l’on joue ensemble. Le pilote est le musicien, le copilote, le chef d’orchestre. Tout est millimétré », explique-t-il. Le rallye-raid comme le Dakar, lui, relève d’une toute autre philosophie. « C’est l’opposé total. Zéro reconnaissance, improvisation permanente. On te file le roadbook un quart d’heure avant le départ sur une tablette puis tu as dix minutes pour t’imprégner de ce qui t’attend. Après c’est de la découverte en temps réel. »
Cette capacité d’adaptation, Elena l’a cultivée pendant vingt-trois années de collaboration avec Sébastien Loeb. Ensemble, ils ont remporté sept fois le mythique rallye de Monte-Carlo, établi le record de onze victoires sur une saison WRC en 2008, et dominé l’asphalte mondial entre 2005 et 2010. Un palmarès qui fait de lui le Monégasque le plus titré tous sports confondus, distinction qu’il ne manque pas de rappeler avec malice en se comparant à son jeune compatriote de Formule 1 : « Charles Leclerc a remporté quelques Grands Prix, mais il n’est pas champion du monde », glisse-t-il taquin.
Les cicatrices du désert
Le Dakar, qu’il a disputé à cinq reprises aux côtés de Loeb, lui a laissé des souvenirs plus contrastés. Deux podiums, quatorze victoires d’étape, mais aussi des blessures profondes – dont un coccyx fracturé en 2018. « On encaisse des chocs monstrueux, ce qu’on appelle des « pétards » dans le jargon. Lors de l’impact, Sébastien s’est tenu au volant. Moi, je n’avais qu’une feuille de papier à laquelle me raccrocher », raconte-t-il avec l’humour qui le caractérise.


La séparation d’avec Loeb en mars 2021, a laissé des traces plus profondes encore. Après vingt-trois ans de vie commune dans un habitacle de trois mètres carrés, le duo mythique s’est séparé. « Depuis cette rupture avec Sébastien, j’ai l’impression d’avoir été rayé de beaucoup de tablettes. Comme si je n’existais plus. Pourtant, je suis toujours vivant, je suis toujours là », lâche-t-il sans amertume.
Le passeur
Désormais installé dans son rôle de consultant, Elena aborde cette nouvelle mission avec le même professionnalisme qu’il mettait jadis à annoter ses roadbooks. « Je règle mon réveil et je suis la course sur la cartographie en temps réel, je peux donc voir qui a jardiné (qui s’égare dans le jargon, ndlr) Je vis l’étape en même temps que les concurrents », précise-t-il. Il a même négocié de recevoir le roadbook quotidien au moment où les équipages le découvrent, pour affiner ses analyses à l’antenne.

Cette passion pour la transmission, il la tient de Jean-Paul Chiaroni, dit « Coco », son mentor chez Citroën. « Il m’a transmis tous ses conseils, il m’a aidé à progresser. Jusqu’à mon dernier rallye, il était à mes côtés. » Elena tente aujourd’hui de reproduire ce schéma, même s’il s’inquiète pour la nouvelle génération, qu’il juge parfois trop connectée : « J’ai vu des copilotes arriver en retard au pointage parce qu’ils s’occupaient davantage de leurs réseaux sociaux. Le pire ennemi d’un copilote, c’est la déconcentration. Quand tu montes dans la voiture, tu oublies tout. Tu te mets dans ta bulle et tu y restes. »
Doublement sacré champion des champions français par L’Équipe en 2007 et 2009 – une distinction unique pour un étranger –, Daniel Elena n’a jamais cherché la lumière. « J’ai eu la chance de vivre ma passion. Je n’ai pas fait tout ça pour devenir une star. Je suis quelqu’un de simple », assure celui qui consacre désormais son énergie à sa femme et à sa fille.
À 53 ans, le Monégasque n’a plus rien à prouver. Mais avec plus de cent heures de direct sur la chaine L’Équipe pour ce Dakar 2025, il a encore beaucoup à raconter. Le chef d’orchestre du désert a troqué ses notes contre un micro. Mais la partition, il la connaît toujours par cœur.







