JOYA Monaco : « Le bijou est la première forme artistique de l’homme »
Bijoux anciens, vintage, d’artistes ou encore contemporains, le salon JOYA déploie toutes les facettes de la joaillerie au One Monte-Carlo jusqu’au 16 novembre.
Cette deuxième édition réunit quinze créateurs et galeristes internationaux. Au musée d’anthropologie préhistorique, Vanessa Margowski et Delphine Pastor-Reiss, les fondatrices, posent le décor : « Le bijou est la première forme artistique de l’homme, avant les peintures rupestres ». Une affirmation qui guide toute leur sélection : « Nous ne sommes pas dans le diamant pour le diamant. Il y a des bijoux en bronze, en métal, qui fascinent autant que l’or parce que ce sont des créations d’artistes. La qualité d’un bijou ne se mesure pas à sa valeur marchande mais à sa créativité. »
Dans les capsules d’acier galvanisé imaginées par les architectes Christ & Gantenbein, chaque vitrine raconte une histoire : « Chaque exposant a son terrain de prédilection. Il n’y a pas de concurrence parce que personne n’est dans la même veine artistique », poursuivent-elles.
Le musée d’anthropologie préhistorique s’est associé à JOYA en organisant des ateliers pédagogiques pour le jeune public, tandis que le Nouveau Musée National de Monaco expose les créations joaillières de Virginia Tentindo datant des années 1980. « C’est dans cette dimension historique, culturelle, architecturale et pédagogique que s’inscrit JOYA », soulignent les fondatrices. « Nous créons sans cesse des passerelles entre le bijou et les autres formes d’art : l’architecture, la photographie, la littérature. Le bijou est une expression artistique totale. »
Des pièces vintage uniques

Chez Barbara Bassi, antiquaire crémonaise travaillant depuis quarante-deux ans dans le métier, un collier Ombelicali de Buccellati capte immédiatement le regard : « C’était une idée de Gabriele D’Annunzio qui a demandé à Mario Buccellati en 1930 de produire ce type de pièces pour ses amantes. Il leur demandait de porter ces bijoux à même la peau, nue, avec seulement les chaînes ». L’anecdote révèle une dimension souvent occultée du bijou ancien : son érotisme, sa charge sensuelle. « Regardez cette patine à l’arrière de la pièce », poursuit-elle en désignant le pendentif unique datant de 1970. « Pour obtenir ce genre de patine, il a fallu beaucoup, beaucoup d’années. C’est difficile de trouver ce genre d’objets. »
Cette rareté explique l’engouement actuel pour les pièces vintage : « Pour moi, ce sont les plus beaux bijoux au monde », affirme Barbara Bassi. « Ils ont encore plus de valeur parce que c’est un bon investissement. Les prix augmentent très rapidement et les pièces sont très rares. Ces maisons, comme Buccellati, ont produit très peu de pièces dans le passé et elles sont très recherchées. Toutes les femmes veulent porter ce type de création ». Depuis 2000, Barbara Bassi collabore avec Marina Ruggieri, spécialiste du bijou d’artiste, qui apporte à la galerie une dimension supplémentaire : les créations de plasticiens majeurs du XXe siècle.

« Le bijou d’artiste est l’expression maximum d’un créateur, parce que c’est la transposition de l’art dans un objet qu’une personne peut porter », explique Marina Ruggieri devant ses vitrines où s’alignent des pièces signées Picasso, Léger, Pomodoro, Pol Bury… « Le corps devient comme un musée portable. Ce sont des éditions limitées. Il y a des exemplaires uniques. Tous ces bijoux sont accompagnés, comme toutes les œuvres d’art, d’un certificat signé par l’artiste. »
Elle présente un bracelet unique en or jaune et diamants, dédicacé personnellement par l’artiste. « Les matériaux varient énormément selon la vision de chaque créateur : or et pierres précieuses, mais aussi métal, bois… C’est ce qui distingue ces pièces des bijoux de designers. Ici, ce sont de véritables artistes plastiques, ceux qu’on trouve dans les musées. »

La question des diamants s’impose naturellement : « Ces pièces datent des années 1940 jusqu’à maintenant », précise Marina Ruggieri. « Les pierres étaient extraites de façon artisanale, sans le forage industriel moderne. Tout se faisait manuellement, avec précaution. »
Quelques capsules plus loin, Noam Griegst, qui perpétue l’œuvre de son père créateur au Danemark, défend une approche presque chamanique du métier : « Les pierres précieuses sont en connexion avec l’univers et le corps. Tout est inspiré par la nature, par les folklores, par la mythologie grecque. Les spirales représentent la circulation de la vie. C’est le cosmos. Tout est très lié au spiritualisme et à la nature. Je crois que les pierres précieuses sont en connexion avec l’univers et le corps, et je crois que ça appartient au système. C’est pour ça qu’on est fasciné par les diamants, les pierres colorées. »

Sur son stand trône « Face of the Night », une pièce qui évoque un visage croulant, presque inquiétant, en or 24 carats sertie de perles naturelles, d’opales et de diamants.

« Mon père prenait souvent des pierres brutes, non traitées. Il trouvait ça tellement inspirant qu’il créait le bijou autour. Par exemple, le grand émeraude égyptien qu’on a trouvé : nous avons conçu la bague autour. Aujourd’hui, on travaille aussi avec des moules et nous cherchons ensuite les pierres », explique-t-il.

Chez Gioielleria Pennisi, Emanuele Pennisi, collectionneur et spécialisé dans les bijoux anciens, déploie des micro-mosaïques romaines du XIXe siècle et un bracelet d’écaille de tortue fait à Naples, une pièce rarissime. « Les aristocrates les achetaient à Rome pendant le Grand Tour, puis les portaient en souvenir de leur voyage », explique-t-il. « Chaque bijou a son histoire, sa provenance et des techniques différentes. Les bijoux se déplacent dans le temps avec les femmes. Si la mode change, si le rôle de la femme change, les bijoux changent. Ils représentent la société ». La pièce maîtresse du stand : un collier signé René Lalique dans son écrin d’origine.

Les désirs des collectionneurs ont évolué, constate Emanuele Pennisi : « En ce moment, on recherche des bijoux qu’on peut porter tous les jours. L’or jaune revient en force face au platine, même si les pièces exceptionnelles des années 1920 restent très recherchées. On privilégie la discrétion, quelque chose d’un peu caché ». Le design s’impose désormais comme critère premier : « C’est vraiment la créativité qui prime aujourd’hui, davantage que les pierres ou l’orfèvrerie traditionnelle. »













